Gaza : l’alternative diabolique
Les pertes civiles atteignent des chiffres effrayants à Gaza. Arrêter les combats immédiatement ? Ce serait aussi consacrer la victoire du Hamas. Dilemme terrible et implacable.
Essayer de raisonner au milieu des émotions croisées et légitimes que suscite la tragédie de Gaza… C’est Israël, comme l’avait anticipé le Hamas, qui encourt cette fois l’indignation d’une grande partie de l’opinion mondiale, dans les pays arabes, bien sûr, mais aussi dans nombre d’autres régions, tout comme dans une partie de l’opinion française.
Même s’il faut prendre avec des pincettes les chiffres émanant de Gaza, les bombardements et les opérations terrestres menés par l’État hébreu ont fait plusieurs milliers de morts chez les civils gazaouis, dont nombre de femmes et d’enfants. Les terroristes de l’organisation islamiste sont systématiquement mêlés à la population dont ils se servent comme d’un bouclier, ce qui fait que leur annihilation entraîne nécessairement des pertes sévères chez les non-combattants. La frappe sur le camp de Jabaliya, destinée à détruire un refuge souterrain du Hamas et à tuer un de ses importants responsables, en est l’illustration : la bombe utilisée a fait s’écrouler plusieurs habitations et creusé un énorme cratère, tuant à coup sûr un nombre considérable d’habitants (le Hamas parle de plusieurs centaines).
À partir de là, deux postures simplistes doivent être écartées. L’armée israélienne affirme respecter les « lois de la guerre » et viser exclusivement des cibles militaires. Elle rejette donc sèchement les appels à la retenue lancés ici et là. Mais le nombre des victimes civiles finit par faire douter de sa volonté réelle de limiter les pertes dans la population. Et surtout, selon les experts en guerre urbaine, consultés notamment par Le Monde, l’opération, quoique très meurtrière, est loin d’avoir réduit significativement les capacités de combat du Hamas, dont les membres sont terrés dans un profond réseau de tunnels creusés sous la ville. On suggère ici et là que l’armée israélienne a pour but d’encercler la partie nord de Gaza pour détruire entièrement les installations souterraines de ses ennemis. Combien de semaines faudra-t-il pour y parvenir et combien de morts cette opération causera-t-elle parmi les Gazaouis ? On frémit à seulement l’imaginer.
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Forts de ces constatations, beaucoup, dont l’ONU, demandent un cessez-le-feu immédiat. L’intention est en apparence fort louable, même si la demande provient en partie des ennemis les plus acharnés d’Israël. Ces partisans de la fin des combats oublient toutefois de signaler une réalité dérangeante : le cessez-le-feu, à ce stade de la guerre, consacrerait la victoire du Hamas, qui garderait ses capacités opérationnelles, dont on sait qu’elles menacent en permanence la sécurité des Israéliens. D’autant que, souvent dans les manifestations anti-guerre, on entend le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free ». N’importe quel gouvernement israélien, même le plus progressiste, peut-il y voir autre chose, dans les circonstances présentes, qu’un projet de démantèlement de l’État hébreu au profit de ses ennemis ?
Telle est l’alternative diabolique dans laquelle le Hamas a attiré les soldats hébreux : continuer à tuer des civils à Gaza, au fil des bombardements contre l’organisation terroriste, ou bien laisser la victoire à leurs cruels adversaires. Les soutiens extérieurs d’Israël – les démocraties occidentales pour l’essentiel – tentent de trouver un compromis entre les deux, en incitant son gouvernement à cibler plus précisément ses ennemis, à ouvrir des couloirs humanitaires et à instaurer des pauses dans les frappes qui permettraient aux Gazaouis de mieux se protéger, de se ravitailler et de soigner les blessés. Un regard réaliste sur le conflit indique que cette solution bancale est aujourd’hui la seule qui ait une chance de s’appliquer. Ce qui souligne une nouvelle fois le caractère terrible et déprimant de la tragédie morale et humaine enclenchée par l’attaque du Hamas.