Gaza : un état démocratique doit épargner les civils

par Laurent Joffrin |  publié le 28/10/2023

Chaque dimanche, un regard engagé sur une semaine d’actualité. Que retenir dans le flot d’informations qui inonde les médias, entre écume des jours et vague de fond ? L’essentiel.

Laurent Joffrin- Photo JOEL SAGET / AFP

LUNDI

Vu sur le Net un entretien avec Thomas Brail, l’écologiste amoureux des arbres qui s’est lancé dans une grève de la faim pour empêcher la construction d’une autoroute entre Toulouse et Castres. Fiévreux, fragile, convaincu, il emporte la sympathie. Il faut décidément être un beauf anti-écolo pour le trouver ridicule. Faut-il dépenser ces sommes – considérables – pour gagner vingt minutes sur un trajet d’une heure et quart ? Bitumer des centaines d’hectares de terres agricoles et abattre des centaines d’arbres ? Brail met en jeu sa santé pour alerter l’opinion. Qui peut lui en vouloir ? Il arrive que des actions individuelles extrêmes, dans certains cas à la limite de la légalité, comme le démontage d’un MacDo par José Bové, soient somme toute justifiées, légitimes.

Reste un problème : cette autoroute a passé tous les obstacles juridiques et démocratiques possibles. Elle est demandée par les autorités élues et par la ville de Castres, objectivement enclavée. Les écologistes, à juste titre, sont souvent à cheval sur le respect de la démocratie. Mais quand la démocratie leur donne tort, ils la tiennent pour régressive et cherchent à s’en affranchir par l’action directe. Contradiction verte…

MARDI

De plusieurs côtés, on réclame un cessez-le-feu à Gaza. Position de bonne volonté, moralement impeccable. Mais le plus souvent, les apôtres de l’apaisement oublient de réclamer la libération de tous les otages détenus à Gaza et l’arrêt des tirs de missiles contre les civils israéliens. Oubli gênant…

Plus compliqué, moralement parlant : la sauvegarde des civils de Gaza, parmi lesquels se cachent les terroristes responsables du massacre du 7 octobre, supposerait l’arrêt total des combats, c’est-à-dire la suspension de toute réplique militaire contre l’attaque initiale, ce qui donnerait une victoire éclatante au Hamas. 

MERCREDI

Point commun entre le coup d’État au Niger, la guerre d’Ukraine, l’offensive azérie contre les Arméniens et les exactions barbares du Hamas : à chaque fois des forces tyranniques, adeptes d’un ordre identitaire et autoritaire, s’en prennent à des démocraties, aussi imparfaites soient-elles. À chaque fois, on trouve derrière les agresseurs les mêmes soutiens, ennemis de la démocratie, la Chine, la Russie, l’Iran, la Turquie. Certes, ces conflits obéissent aussi à des logiques locales, à des problèmes spécifiques. Mais comment ne pas y voir une offensive générale contre les principes de liberté ? 

JEUDI

Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), dont les travaux ont été utilisés par les adversaires de la réforme des retraites, déplaît à Élisabeth Borne, qui débarque son directeur. Débat parmi les amis du Journal.info : les travaux du COR sont-ils aussi impartiaux qu’il le dit ? La question se pose. Mais si le gouvernement sanctionne les instances indépendantes, sont-elles encore indépendantes ?

VENDREDI

Explosion des actes antisémites depuis le 7 octobre : autant d’insultes, d’invectives ou de menaces en trois semaines qu’en un an. Les juifs sont victimes d’un massacre en Israël. Réaction : on les insulte en France.

Il y a un non-dit dans cette affaire : l’existence d’un antisémitisme plus ou moins larvé dans la culture islamique, qui s’exprime à la faveur de la crise, notamment chez les jeunes, en dépit de tous les efforts de prévention et d’éducation dispensés à l’école.

SAMEDI

Lu sur X le blog que Barack Obama consacré à la crise du Proche-Orient. L’ancien président soutient la politique Biden et confirme qu’Israël « a le droit de se défendre ». Mais, écrit-il, « La décision du gouvernement israélien de couper la nourriture, l’eau et l’électricité à une population civile captive risque non seulement d’aggraver une crise humanitaire croissante, mais aussi de durcir l’attitude des Palestiniens pendant des générations » insistant sur le fait que la « stratégie militaire d’Israël doit respecter le droit international ».

Nul irénisme dans sa position : il rappelle que les guerres sont toujours tragiques et qu’elles occasionnent des pertes au sein des populations civiles. Mais un État démocratique doit s’efforcer de les limiter et ne peut viser délibérément les non-combattants.

Quand les États-Unis l’ont fait, rappelle-t-il, ils ont eux aussi violé le droit de la guerre. Et surtout, leur réaction de vengeance et de punition après le 11 septembre les a conduits à des erreurs dramatiques en Irak et en Afghanistan.

Ces représailles, ajoute-t-il, pourraient même jouer en défaveur d’Israël, en érodant « le soutien mondial » qui lui est accordé et en « sapant les efforts à long terme pour parvenir à la paix et à la stabilité dans la région ».

« Israël a tout à fait le droit d’exister », écrit encore Obama, et « le peuple juif a droit à une patrie sûre où il a des racines historiques anciennes ».Mais il en va de même pour les Palestiniens, dont beaucoup « ont été déplacés lors de la création d’Israël et continuent d’être déplacés de force par un mouvement de colons qui a trop souvent reçu le soutien tacite ou explicite du gouvernement israélien ».

À bien y réfléchir, c’est la seule position tenable, loin des palinodies complaisantes de LFI et des appels à la vengeance émanant des soutiens les plus droitiers d’Israël.

Laurent Joffrin