Génération catastrophe

par Malik Henni |  publié le 09/03/2024

Dépressifs, ils sont deux fois plus nombreux à penser au suicide. Victimes, entre autres, d’un discours fataliste sur la planète et les guerres

Illustration Photo V & L/LEPEE / BSIP

La priorité affichée à la santé mentale des jeunes a été l’un des sujets les moins commentés du discours de politique général de Gabriel Attal. La pandémie du Covid a mis en lumière le désespoir grandissant d’une partie de la jeunesse. Le constat dressé par Santé Publique France est en effet très sombre.

Le taux de pensées suicidaires a doublé chez les 18-24 ans entre 2014 et 2021. Il atteint désormais 7,2 % de cette tranche d’âge, contre 4,2 % de l’ensemble de la population française. Les jeunes femmes sont particulièrement touchées, avec une prévalence des pensées suicidaires qui montent à 9,4 %. Une sur dix.

À l’âge où l’on se construit, les discours fatalistes et désespérants dressent un avenir effrayant

La crise Covid et les confinements qui ont enfermé les adolescents dans la sphère familiale ne sont pas les raisons de la dégradation de cet indicateur.  Deux ans après la fin des restrictions, les demandes de prise en charge médicale des jeunes dépressifs ne baissent pas. Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette souffrance et en particulier un « contexte anxiogène ».

À l’âge où l’on se construit, les discours fatalistes et désespérants qui accompagnent chaque sujet d’importance (tensions internationales, crises écologiques, précarité économique…) entraînent des conséquences néfastes sur l’esprit.

Amplifiées par les médias et les réseaux sociaux, ces « mauvaises nouvelles » oppressent des adolescents qui n’imaginent plus qu’un avenir effrayant. Et la dégradation du lien social n’aide en rien à conjurer ces angoisses.

En moyenne, un patient doit attendre jusqu’à 6 mois pour rencontrer un médecin

Le Premier ministre a donc raison d’affirmer sa priorité en faveur de ce nouveau mal. Gabriel. Attal veut réduire le reste à charge pour le patient après une consultation et développer le dispositif, testé avec succès, des « Maisons départementales des adolescents ». Ces jeunes gens pourraient également prendre rendez-vous directement avec un spécialiste de santé mentale sans passer par un généraliste. Mais les services sont saturés : la Cour des Comptes pointait déjà, il y a un an « l’inadaptation aux besoins de la jeunesse » de l’offre de soins mentaux.

En moyenne, un patient doit attendre jusqu’à 6 mois pour rencontrer un médecin. Interrogé par « La Provence », le pédopsychiatrique David Soffer confirme que les jeunes s’adressent à son service hospitalier faute de pouvoir «  trouver un psy ». Le médecin appelle à amplifier la prévention, domaine dans lequel la France et l’Europe en général accusent « trente ans de retard ».

Seul l’espoir d’un monde meilleur…

Les consultations pour pensées suicidaires chez les jeunes ont augmenté de 26 % en Suisse depuis le Covid. À Taïwan, où la compétition scolaire est impitoyable et le futur suspendu aux aléas internationaux, quarante lycées volontaires ont mis en place un « congé santé mentale » pour les élèves qui présentent des signes de détresse.

Aux États-Unis, où 50 000 personnes s’ôtent la vie chaque année, la start-up Samurai veut utiliser l’intelligence artificielle pour détecter les profils à risque sur les réseaux sociaux. Ces quelques pistes permettraient de s’attaquer aux symptômes. Car seul l’espoir d’un monde meilleur pour les adolescents permettrait de s’attaquer à la racine du mal.

Malik Henni