George Simion, le Trump des Carpates   

par Boris Enet |  publié le 19/03/2025

Dernière figure en date du nationalisme roumain, à la tête de « AUR » (Alliance Pour l’Union des Roumains), Simion coche toutes les cases de la régression raciste, complotiste et anti-démocratique.

George Simion, à Bucarest, le 14 mars 2025. (Photo de Daniel Mihailescu / AFP)

Après un dernier scrutin présidentiel annulé le 6 décembre pour fraudes massives et ingérence de la puissance russe, le camp nationaliste roumain s’est trouvé orphelin. Ivre de colère contre Bruxelles, Calin Georgescu ne le digère pas, mais son destin ne s’écrit plus à Bucarest. Diana Sosoaca a pensé jouer les doublures. L’avocate de 49 ans concourrait à la tête de « Sos România », mais là encore, la commission électorale l’en a empêchée. Les provocations de cette dernière, antisémite, antivaccins et pro Poutine, entraient en contradiction avec les valeurs démocratiques de l’UE, constituant un « danger dans le cadre de l’Otan ».

Le 4 mai prochain, l’extrême-droite locale présentera donc George Simion, 38 ans, avec la bénédiction de Vance et Musk, à l’élection présidentielle.

Regroupant 32% dans l’hémicycle, Simion compte bien mobiliser sur fond d’abêtissement général, de difficultés sociales et de dévoiement patriotique pour cultiver ses haines. À la tête du cortège du 20 décembre dernier entre la place de la Victoire et le palais Cotroceni, il scandait avec 20 000 de ses partisans « Dehors les traîtres » et « Roumanie souveraine ».

Militant nationaliste et écrivain, diplômé du Collège national Gheorghe Lazar de Bucarest après une maîtrise d’Histoire, Simion a patiemment gravi les échelons nationalistes. Petit nazillon marqué par le virilisme et l’hooliganisme, il est repéré par les autorités pour son obsession à réunir la Roumanie et la Moldavie.

Toujours interdit d’entrer en Moldavie par les autorités de Chisinau, il maintient une intense activité en soutien aux moldaves roumanophones. Suspecté d’avoir rencontré le FSB en 2011 à Tchernivtsi en Ukraine, il est partagé entre sa dévotion pour le maître du Kremlin et son admiration sans borne pour le Néron américain. Président de l’AUR et vice-président du Parti européen des conservateurs et réformistes, un des trois groupes de l’extrême-droite au parlement de Bruxelles, il revêt désormais le costume et la cravate, laissant les rangers pour les grandes occasions. Révélé par Tik Tok, il est malheureusement porté par une large fraction de la jeunesse roumaine, peu éduquée et emplie de ressentiments.

Naturellement opposé au mariage homosexuel, anti masque et anti vaccin pendant la Covid, il accuse aussi l’UE de vouloir « forcer les roumains à manger des insectes ». Bénéficiant du soutien explicite d’une majorité de clercs orthodoxes toujours aussi influents, d’une jeunesse abêtie, de nombreuses forces de sécurité et de la petite bourgeoisie commerçante, c’est un poujadiste qui puise néanmoins ses racines dans la tradition de l’extrême-droite roumaine.

Sachant promouvoir son image, il avait mis en scène son mariage champêtre en 2022, clin d’œil à celui du leader fasciste roumain de 1925, retransmis sur les réseaux sociaux. Forcément protectionniste en matière économique, son élection constituerait un nouveau caillou dans la chaussure de Bruxelles pour les pays d’Europe centrale et orientale, tous fragilisés par le traumatisme du stalinisme mâtiné d’un nationalisme à fleur de peau parfaitement compatible.

Car, sans présager du score de Simion en mai prochain, force est de constater que des lands de l’ex RDA aux méandres du Danube, les nationalistes de l’Est européen sont la principale caisse de résonnance du Trumpisme.

Bien sûr Meloni joue un jeu plus que trouble en Italie, un front républicain à l’Autrichienne, mais l’acculturation démocratique des pays de l’Ouest européen comme l’antériorité de ses institutions, donnent davantage de gages aux démocrates et d’obstacles à franchir pour Vance et ses loups. Trois générations n’auront probablement pas suffi à dissiper l’héritage encore frais du socialisme national et du national-socialisme, sans travail de mémoire. Sans nous mordre la nuque, le XXe siècle pousse encore ses feux.

Boris Enet