Gilles Le Gendre : fidèle d’Emmanuel Macron mais trahi par le président

par Valérie Lecasble |  publié le 28/06/2024

Député sortant de Paris, il  s’est fait rafler son investiture par un inconnu, adjoint de Rachida Dati. La macronie est vent debout

 

Poster du candidat de la majorité présidentielle Gilles LE GENDRE, à Paris, France, le 24 juin 2024, pour les élections législatives - Photo Laure Boyer / Hans Lucas

« Rachida Dati lui a mis une pression d’enfer, il ne lui refuse rien car elle a un lien fort avec Brigitte Macron. Je paie aussi la mise en garde de 2022, qui l’alertait de la perspective d’une crise politique d’envergure. Et puis, j’ai voté contre la loi sur l’immigration. Il ne tolère pas les pas de côté ». C’est ainsi que Gilles Le Gendre explique le désaveu d’Emmanuel Macron qui, sans aucun contact, ni explication, lui a préféré un inconnu, Jean Laussucq, conseiller de Paris du 7ème arrondissement, dans la circonscription dont il est le député. Avec en prime, Antoine Lesieur comme suppléant, l’un des « quatre mousquetaires » de Gabriel Attal. « Une décision obscène », juge le député sortant, marcheur de la première heure, qui avait gagné dès 2017 cette circonscription de haute lutte face à Nathalie Kosciusko-Morizet. « Je croyais qu’il n’y avait pas de deal entre Rachida Dati et Emmanuel Macron pour Paris ! », s’insurge un proche du Président de la République.

Combattant de la première heure, Gilles Le Gendre s’est engagé dès 2016 pour En Marche et Emmanuel Macron. Il a labouré le terrain, quand d’autres attendaient d’être parachutés. Cet ancien journaliste et directeur de rédaction de magazines économiques (Le Nouvel Économiste, l’Expansion, Challenges…) ne doute pas que le jeune ministre de l’Économie saura faire prospérer la France. Alors, on le voit à toute heure, tracter, discuter et convaincre sur les marchés, à l’entrée des supermarchés, auprès des commerçants, jusqu’à emporter le fief de Rachida Dati, jusque-là acquis à la droite.

Galons

Nommé porte-parole après la victoire, il pratique à merveille la langue de bois et devient un proche de Richard Ferrand, intime d’Emmanuel Macron qui préside le groupe des députés LREM à l’Assemblée nationale. Il le remplace en 2018, lorsque celui-ci est nommé au perchoir : il a gagné ses galons en Macronie. « Une pièce maîtresse au Parlement », commente un conseiller de l’Élysée. Il sera réélu à ce poste dès le premier tour en 2019, malgré certaines critiques venues de son camp, mais est déstabilisé lorsque le journal Marianne publie en juin 2020 une note confidentielle où il enjoint Emmanuel Macron de remplacer Édouard Philippe à Matignon, afin de lancer « un nouveau pacte républicain » après la pandémie. À la rentrée de septembre, il doit céder sa place…

Cela n’empêche pas Gilles Le Gendre de continuer à gagner en légitimité sur le terrain et de remporter sa législative de 2022 avec le score envié de 63,39 % des voix. Il avait donc toutes les cartes en mains pour rempiler cette année. Il est donc surpris de recevoir, dimanche 9 juin, un coup de fil du patron de Renaissance, Stéphane Séjourné, qui lui dit vouloir prendre pour lui sa circonscription et lui propose de devenir son suppléant. Le Gendre décline, Séjourné renonce, mais le député sortant constate qu’il ne figure pas sur la liste officielle des investitures Renaissance. Qu’à cela ne tienne, il dépose sa candidature en préfecture vendredi 15 juin sous l’étiquette indépendante de la majorité présidentielle. Le même soir, il apprend que Jean Laussucq récupère le blanc-seing délivré par Ensemble pour La République.

Scandalisés, les barons de la macronie se mobilisent. Richard Ferrand tracte à ses côtés. Yaël Braun-Pivet, Jean-Yves Le Drian, Manuel Valls, Florence Parly le soutiennent. Outre lui, ses 170 000 électeurs voient s’affronter ciq candidats à droite (Les Républicains, une RN et une Reconquête). Un imbroglio dont ne peut que profiter son adversaire socialiste, Marine Rosset, qui porte les couleurs du Nouveau Front Populaire.  

Valérie Lecasble

Editorialiste politique