Gladiator 2 : dollari te salutant

par Thierry Gandillot |  publié le 15/11/2024

Ridley Scott signe un sequel en or massif, moins fidèle à l’histoire romaine qu’à la tradition hollywoodienne, mais où testostérone et hémoglobine nous garantissent contre l’ennui.

Ridley Scott, Pedro Pascal, Denzel Washington...à la première mondiale de « Gladiator II » en novembre 2024 à Londres. (Photo de Joe Maher/Getty Images pour Paramount Pictures) (Photo de Joe Maher / Getty Images via AFP)

Précédé par le très raté Napoléon, Gladiator 2 arrive muni de l’héritage que lui a légué son frère aîné, Gladiator tout court, le premier du nom, soit 465 millions de dollars au box-office de l’an 2000 (environ 900 millions de dollars aujourd’hui) pour un coût de 103 millions. Rentable, donc, mais pas seulement. Car Gladiator, nommé douze fois aux oscars, en a rapporté cinq, dont celui du meilleur film pour Ridley Scott et du meilleur acteur pour Russell Crowe.

Le nouvel opus a coûté dans les 300 millions de dollars – la querelle des estimations fait rage – mais on ne doute pas que les producteurs rentreront dans leurs frais. Mercredi, à Paris, le film a attiré 380 000 spectateurs, meilleur démarrage de l’année. Le 20 juin 2000, le premier volet de la saga des Marc-Aurèle, avait séduit « seulement » 195 000 spectateurs. L’empereur Scott peut donc s’attendre à un triomphe, au moins chez les Gaulois.

L’action se situe seize années après « Gladiator ». Elle démarre en Numidie (une grande partie du nord du Maghreb, principalement l’Algérie, et le nord-ouest de la Syrie), empire riche et fertile où Lucius (Paul Mescal), fils du héros de l’opus 1 et petit-fils de Marc-Aurèle, vit tranquillement en paysan avec son épouse. Mais, de Rome, les frères Caracalla et Geta, empereurs sanguinaires, viennent troubler cette harmonie pastorale. Sur leur ordre, les troupes romaines, emmenées par le général Marcus Acacius (Pedro Pascal) ravagent le pays, tuant l’épouse de Lucius. Ce dernier, dont on ignore le rang, est fait prisonnier.

Esclave, il devient gladiateur. Repéré par Macrinus (Denzel Washington), un parvenu avide de pouvoir et sans scrupule, il devient la star du Colisée. Précisons que la maman de Lucius, Ania Aurelia, fille de Marc Aurèle, donc (Connie Nielsen), a épousé Marcus Acacius, le général qui a asservi la Numidie et tué la femme de Lucius.

Les sanglants frères Caracalla et Geta, marionnettes peroxydées et maquillées façon glam rock, sont détestés pour leurs excès et leurs mœurs décadentes. Acacius, qui est un homme droit et veut restaurer la démocratie, monte un complot pour les détrôner avec l’aide d’une partie du Sénat. Mais Macrinus, qui ne vise rien moins que le titre d’empereur, dénonce le complot avant d’assassiner de sa main les frères glam.

Tout ceci n’a qu’un vague fondement historique. Parmi les accommodements avec l’histoire, notons juste que Ania Aurelia, la supposée mère de Lucius, notre héros gladiateur, est morte assassinée en 192, dix-neuf ans avant les faits. Son époux Marcus Acacius est une pure invention du scénario. Surtout, Caracalla fait assassiner Lucius en 211, ce qui jette à bas toute la chronologie du scénario dans lequel 1) Macrinus liquide Caracalla dans sa loge au Colisée avant d’affronter Lucius et 2) périt par sa main dans un marais aux portes de Rome. En réalité, Macrinus a assassiné Caracalla pendant la guerre contre les Parthes en 217 et s’est auto-proclamé empereur avant d’être lui-même liquidé dans la foulée. Pendant son bref mandat, il n ‘aura jamais mis les pieds à Rome, ce qui exclut qu’il y ait été tué à la régulière par Lucius, lequel était d’ailleurs mort depuis sept ans !

On pourra aussi pinailler sur les scènes de combat dans le Colisée avec des singes-vampires, un combat monté par le champion des frères glam sur un rhinocéros ; et, surtout, un combat naval dans le Colisée dans les eaux duquel sillonnent des requins. Certes, les naumachies existaient, mais pas dans le Colisée trop petit pour l’exercice. Quant aux requins, même pas la peine d’y penser… Bref, ces scènes sont fausses, mais grandioses …

Pour le reste, on en a pour son argent. L’intrigue est bien ficelée, le rythme soutenu, et les acteurs tiennent leur rang. En dépit d’un taux de testostérone hors quota (on est entre garçons musclés) et d’un taux d’hémoglobine qui sature l’écran, on ne s’ennuie pas une seconde. Surtout, Ridley Scott, à sa façon, nous rappelle la fragilité de la démocratie face au rouleau compresseur des totalitarismes, ce qui, par les temps qui courent n’est pas inopportun. On pense à Shakespeare (toutes proportions gardée) qui dans « Le Marchand de Venise » prévenait : « Ah ! Si les empires, les grades, les places ne s’obtenaient pas par la corruption, si les hommes purs n’étaient achetés qu’au prix du mérite, que de gens qui sont nus seraient couverts, que de gens qui commandent seraient commandés ! ». Méditons …

Ridley Scott – Gladiator 2, 2h28

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture