Glucksmann descend dans l’arène

par Valérie Lecasble |  publié le 14/03/2025

La paix juste en Ukraine, la détestation de Poutine et de Trump : quels meilleurs leviers pour le leader de Place Publique qui fait son retour sur la scène nationale française ? Le congrès de son parti ouvre la voie à la présidentielle de 2027.

Raphaël Glucksmann, député européen du parti socialiste, coprésident de Place Publique, dans la tribune des invités, lors de la séance publique parlementaire sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe, à l'Assemblée Nationale, le 3 mars 2025. (Photo Magali Cohen / Hans Lucas via AFP)

Elle était prévue de longue date mais elle ne pouvait mieux tomber. Au moment où l’Ukraine cherche à négocier une paix honorable face à la Russie, où les décisions intempestives de Donald Trump déstabilisent le monde, et où l’Europe veut bâtir sa défense, la prise de parole de Raphaël Glucksmann au Congrès de Place Publique dimanche arrive à point nommé, tant il a été précurseur sur toutes ces questions. « Notre projet politique rencontre l’échelle internationale et nationale. Le Congrès résonne parce qu’on a ouvert un espace politique avec les élections européennes et on veut l’investir », dit la secrétaire générale du parti, Pascaline Lecorché. Aussi, le premier sujet abordé tournera-t-il sans surprise autour de la souveraineté militaire, politique et économique de l’Europe, avant deux débats sur la démocratie et sur la lutte contre l’extrême-droite.

On connaît l’ancienneté et la force de l’engagement de Raphaël Glucksmann sur la guerre en Ukraine avec ses propositions radicales, telle la confiscation des 209 milliards d’avoirs russes gelés dans les banques européennes ou l’interdiction à l’énergéticien français Total Énergies de demeurer le premier acheteur de gaz naturel russe. S’il n’a pas eu gain de cause sur ces deux points, on lui reconnaît une vision géopolitique claire et convaincante sur l’Ukraine, la Russie, les États-Unis et l’Europe. En ces temps si troublés qu’on n’imagine pas un futur candidat se lancer dans l’élection présidentielle sans une parfaite maîtrise des questions internationales, il a ainsi acquis une légitimité particulière.

Raphaël Glucksmann est dans son élément. Pour faire le pont entre l’international et la politique française, il lui est aisé de dénoncer le péril qu’il y aurait à laisser les nouveaux collabos de Moscou, eux-mêmes groupies de Donald Trump, telle Marine Le Pen et ses sbires, ou encore Marion Maréchal et Eric Zemmour, prendre le pouvoir alors que la France doit affronter ces menaces avec lucidité.

Ce n’est pas le seul enjeu. Après son joli score de 14 % aux élections européennes, Raphaël Glucksmann a donné l’impression de déserter la scène politique nationale. Hors-jeu dans les négociations entre la gauche et les gouvernements Barnier puis Bayrou, il s’est cantonné dans son rôle de député européen. Tout juste a-t-il donné, fin août à La Réole, la mission à ses troupes de bâtir un programme de gauche, solide et audacieux, pour le mois de juin afin que Place Publique soit prête à affronter de nouvelles élections législatives en cas de dissolution.
Depuis, l’enthousiasme de ses 12 000 nouveaux adhérents n’a eu d’égal que la désorganisation qui l’a accompagné. Détestant la tambouille politique, il a juré de ne se mêler en rien de celle du Parti socialiste, et surtout de ne se prononcer pour aucun des candidats en lice pour son Congrès. Il devenait donc urgent de structurer son propre parti, dont le nombre des adhérents s’était envolé.

L’échelon choisi pour cette nouvelle organisation décentralisée est la région, qui coordonne les assemblées territoriales où les noms des référents et des lieux de débats ont été clarifiés. Un responsable a été nommé dans chaque région qui, siégera aux côtés de seize personnes représentatives – dont Raphaël Glucksmann et Aurore Lalucq – auxquels s’ajoutent deux élus nationaux, deux jeunes et des ultramarins, le tout formant l’assemblée politique nationale, dont les trente membres se réuniront une fois par mois pour définir la ligne politique de Place Publique. De cette assemblée émanera un Bureau exécutif qui reste à désigner.


« Nous sommes des démocrates de combat qui portons un projet politique humaniste, social, féministe, écologiste, et européen », s’enflamme Pascaline Lecorché qui porte le projet depuis six mois. Dimanche, l’enjeu est, dit-elle, de « mettre la maison au milieu du village Place Publique, pour donner une impulsion et faire rayonner le combat ». Depuis des mois, Raphaël Glucksmann cherche à s’inscrire dans le paysage politique français et à défendre un projet qui le mette en position de force lorsqu’il faudra unir la gauche. Si les mesures du programme ne sont pas encore finalisées, son parti politique est en ordre de marche. Hasta la victoria ?

Valérie Lecasble

Editorialiste politique