Glucksmann empêché

par Laurent Joffrin |  publié le 02/05/2024

Quelques dizaines de militants agressifs ont chassé le candidat du PS du défilé du 1er mai à Saint-Étienne. Une censure par la force révélatrice… 

 

Laurent Joffrin

La démocratie selon l’extrême-gauche… Venu paisiblement à Saint-Étienne soutenir les salariés de Casino menacés de licenciement, pour le défilé du 1er mai, Raphaël Glucksmann a été empêché de rejoindre le cortège par une cinquantaine de militants vindicatifs portant des drapeaux palestiniens, aux cris de « Casse-toi ! »« Glucksmann dégage ! »« Palestine vaincra ! », le tout agrémenté de jets d’œufs et de peinture.

Exfiltré de la manifestation, le candidat du PS et de Place publique a donné son interprétation de l’incident : « Ces attaques sont le résultat de mois de haine et de calomnies savamment orchestrées par les Insoumis et d’autres (…) 80 % des tweets à la France insoumise sont consacrés à Raphaël Glucksmann et à la liste PS-Place publique. Ils ont choisi leur adversaire », a-t-il ajouté. Le candidat a affirmé que plusieurs drapeaux brandis par les trublions étaient ceux de partis politiques, dont la France insoumise.

Aussitôt Jean-Luc Mélenchon a posté un tweet condamnant sans ambages l’éviction de Glucksmann, puis lui a reproché vertement d’attaquer à tort la France insoumise. Pour l’instant, les seuls à avoir revendiqué et approuvé l’action sont les jeunes communistes, désavoués immédiatement et officiellement par le chef du PCF Fabien Roussel.

Attitude

L’incident est mineur, et les anti-Glucksmann étaient à peine quelques dizaines. Il est néanmoins révélateur de l’attitude adoptée à la gauche de la gauche sur le conflit de Gaza. Glucksmann, sur ce point, défend des positions équilibrées : condamnation de l’attaque terroriste du 7 octobre, mais aussi de la riposte brutale et disproportionnée de l’armée israélienne ; demande de cessez-le-feu et dénonciation du massacre commis parmi la population civile de Gaza ; rappel de l’objectif traditionnel de la gauche responsable sur cette question, à savoir une « solution à deux États », qui permette aux Palestiniens accéder à la souveraineté à Gaza et en Cisjordanie et aux Israéliens de vivre dans un pays aux frontières « sûres et reconnues ». Nul soutien à Netanyahou, ni acceptation du processus de colonisation en cours, bien entendu. 

C’est justement cette position équilibrée, seule perspective de paix possible, qui suscite l’ire de l’extrême-gauche. Pour celle-ci, c’est l’État d’Israël lui-même qui est en cause dans son existence, comme l’indique le slogan désormais obsessionnel : « Libérez la Palestine de la rivière à la mer ». Autrement dit, le débat à gauche n’oppose pas les propalestiniens d’un côté et les pro-israéliens de l’autre, mais une extrême-gauche qui a rejoint, de manière plus ou moins officielle, les positions du Hamas (avec une France insoumise ambiguë, qui refuse de qualifier le Hamas de « terroriste », mais se réfère néanmoins aux « deux États »), et une gauche rationnelle, qui condamne à la fois le terrorisme et les menées de Benyamin Netanyahou et soutient l’idée d’un partage de l’ancienne Palestine conforme aux résolutions de l’ONU.

Laurent Joffrin