En pole position
Nouvelle démonstration de force et de renouveau des sociaux-démocrates, cette fois autour de Raphaël Glucksmann. Mais aussi preuve de dispersion.
Week-end après week-end, le Sud-Ouest serait-il devenu l’épicentre de la gauche démocratique en pleine refondation ? Après le banquet de Bram avec Carole Delga, près de Toulouse, voici le symposium de Raphaël Glucksmann, à La Réole près de Bordeaux.
Certes, l’assistance n’est pas beaucoup moins grisonnante que celle de la social-démocratie instituée. Certes, les convives sont à peu près les mêmes, de Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, à Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen, qui vient de lancer son mouvement, en passant par Anne Hidalgo, toujours sur la brèche, ou par la présidente d’Occitanie omniprésente. Certes, hauts-fonctionnaires, entrepreneurs, enseignants et chercheurs composent le gros des troupes, illustration d’une « bataille culturelle perdue » auprès des catégories populaires, selon le leader de Place Publique.
Mais sous le soleil de Gironde, un bon millier de militants et de sympathisants enthousiastes sont venus écouter le chantre de la gauche sociale, européenne et écologique, dont la magie sincère et juvénile opère toujours. Les militants s’interrogent sur les institutions et cherchent des convergences « horizontales » pour construire un programme. La maire de Paris anime un débat sur le succès des Jeux Olympiques, tandis que Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, loue l’économie sociale et solidaire tout en rappelant la farouche indépendance du syndicalisme.
Clément Beaune incarne l’aile gauche de la macronie avec laquelle l’avenir peut s’écrire et Karim Bouamrane continue son marathon médiatique et militant. Parmi les débats de bonne tenue, on relève le dialogue entre Aurore Lalucq députée européenne et Eric Heyer, économiste de l’OFCE, pour un questionnement européen des politiques communes, de la fiscalité à l’industrie face à la Chine et aux Etats-Unis. Le tout sous l’autorité d’un Glucksmann auréolé du succès de la liste socialiste aux Européennes.
Pourtant, l’authenticité de l’assistance n’efface pas les failles de cette social-démocratie hors les murs, en dépit de son enthousiasme et de sa modernité. Place Publique incarne un rafraîchissant renouveau. Mais son infrastructure reste faible et ne peut effacer le doute sur sa capacité à affronter le gros temps. Les militants n’en font pas mystère : le PS, l’autre pan social-démocrate, plus installé, héritier d’une longue histoire, avec ses grands élus et son maillage territorial, reste un outil décisif.
Le talent oratoire et l’incarnation sincère, atouts de Glucksmann, ne règlent pas les questions organisationnelles. Le député européen séduit davantage que ses concurrents par son influence dans la jeunesse, son engagement sur les causes internationales et son expérience européenne. Mais il ne pourra pas faire l’économie d’une structure plus traditionnelle.
Si bien que cette floraison sociale-démocrate peut être appréciée de deux manières. Soit on la considère comme une renaissance bienvenue et un concert polyphonique plein de dynamisme. Soit on y voit une dissonance inutile et un éparpillement nuisible, dans une période où l’incertitude règne sur le calendrier politique.
Question naïve : qu’est-ce qui empêcherait fondamentalement Place Publique et le Parti socialiste de converger ? Les socialistes, opposés à la cohabitation mortifère avec LFI y trouveraient un appui ; Raphael Glucksmann y gagnerait un point d’ancrage qui lui éviterait le sort du prophète désarmé. Un échange de bons procédés au bénéfice de la gauche démocratique et européenne. Vamos ?