Glucksmann, surprise des européennes?

par Laurent Joffrin |  publié le 21/01/2024

Le député européen entame plutôt bien sa campagne : bons sondages, premier meeting réussi, présence médiatique. Enfin un peu d’air à gauche…

Laurent Joffrin

C’est un de ces « signaux faibles » qui peut avoir une forte signification. Pour son premier meeting de campagne à Bordeaux, Raphaël Glucksmann avait prévu trop juste. Quelque cinq cents personnes n’ont pas pu entrer, en raison d’une jauge dépassée. Erreur d’organisation sans doute, mais aussi indice intéressant : le candidat intéresse plus qu’il ne l’avait prévu lui-même…Il annonce fièrement son succès sur les réseaux, peut-être un peu présomptueux : le succès reste à confirmer. Mais imaginons…

Imaginons que le raisonnement que nous tenons ici depuis le début soit juste : il y a un espace politique béant entre Mélenchon et Macron, que le PS englué dans la NUPES n’a pas réussi à occuper. Toute une gauche fatiguée des foucades mélenchonistes, en quête d’avenir, attachée à la République, aux Lumières, à une écologie du réel, radicale certes, mais aussi populaire et lucide, attend une force rénovée qui puisse exprimer ses aspirations. Déjà les sondages, unanimes, placent Glucksmann légèrement en tête de la gauche.

Imaginons, donc, que le député européen fasse une bonne campagne, que l’hirondelle de Bordeaux se change en un printemps pour l’autre gauche, celle qui croit à une politique fondée sur la raison et non sur l’agression, sur la bienveillance et non sur l’outrance. On l’a déjà écrit : dans cette hypothèse, Glucksmann devient la surprise de la campagne et tout change.

Les réformistes retrouvent leur place naturelle, la première, négociant un nouveau programme, socialiste, écologiste et non populiste. Les électeurs égarés chez Macron ou à LFI, faute de mieux, regagnent peu à peu la vieille maison refaite à neuf et se prennent soudain à espérer de nouveau la victoire, après dix ans de macronisme vertical et droitier.

Cessons de rêver : il ne s’agit que d’une élection européenne et il est bien tôt pour compter sur un succès, sauf à bâtir des châteaux à Bruxelles. Et quand bien même le succès adviendrait-il, qu’une longue route hérissée de dangers resterait à parcourir pour cette autre gauche. Mais enfin, ce serait une étape, un palier, le premier étage d’une fusée qu’on disait incapable de décoller.

La concurrence, déjà s’inquiète, à LFI ou chez les Verts. Les premiers crient à la trahison réformiste, comme d’hab. Les seconds somment les électeurs de choisir entre « la transformation écologiste » et « la nostalgie sociale-démocrate ». Curieuse expression : en français, la nostalgie désigne le souvenir mélancolique d’un passé heureux. C’est un presqu’un aveu : aux dires mêmes de Marie Toussaint, tête de liste verte, la social-démocratie laisserait donc un bon souvenir ? Il lui resterait, dans cette hypothèse, à passer du souvenir à l’avenir.

Laurent Joffrin