Grand âge : une mission à haut risque

par Valérie Lecasble |  publié le 22/11/2023

Avec six ans de retard, Emmanuel Macron vient de charger Aurore Bergé de trouver des solutions pour financer le grand âge. Sujet inflammable quand le vieillissement de la population française s’accélère

Photos de rue de seniors. Port-Vendres, 2022-09-01 - Photo d'Aline Morcillo / Hans Lucas

Cette fois, il va bien falloir l’affronter. Il aura fallu six années d’atermoiements avant que la promesse sans cesse reportée faite par Emmanuel Macron dès sa première élection de travailler sur une ambitieuse loi de programmation sur le grand âge, soit enfin officialisée par Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles. Son prédécesseur, Jean-Christophe Combe, l’avait esquivée. Elle a promis de s’y atteler et de lui donner vie d’ici à la fin de l’année 2024. Douze petits mois pour offrir enfin une perspective d’avenir à une France en voie de vieillissement.

De quoi s’agit-il ? En 2030, dans sept ans à peine, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Cette année-là pour la première fois, les plus de 65 ans seront en France plus nombreux que les moins de 15 ans. Ce défi démocratique bouleverse l’organisation de notre société et pose des questions cruciales auxquelles nous sommes aujourd’hui bien incapables de répondre.

Où et comment vont vivre toutes ces personnes âgées ? Qui va s’en occuper ? Comment seront-elles soignées ?  Que prévoir pour celles qui seront en perte d’autonomie ? Enfin et surtout comment va-t-on financer la dépendance ?

L’enjeu financier est désormais plus important que celui des retraites. Et si tout le monde est d’accord pour résoudre ce sujet ultra-sensible, personne ne sait comment y parvenir.L’angoisse monte chez les personnes âgées et leurs familles depuis que le scandale de la maltraitance dans les Ehpad a éclaté sur la place publique dissuadant nos aînés d’y aller et les personnels d’y travailler.

Aurore Bergé, nommée à son poste depuis seulement quelques mois, n’a pas de réponse miraculeuse dans sa besace. Elle sait sa mission à haut risque, elle a coûté son poste à son prédécesseur Jean-Christophe Combe lorsqu’au mois d’avril dernier, la lecture de son projet de loi « Bien vieillir » à l’Assemblée nationale avait dû être interrompue tellement ses propositions avaient été jugées insuffisantes. « Un truc minuscule » selon le député LFI François Ruffin. « Un manque de courage de légiférer en grand » pour le communiste Yannick Monnet « ni l’ambition ni le sérieux ne sont au rendez-vous ». « Un cache-misère, une coquille vide », selon le député socialiste Jérôme Guedj qui avait déposé le 13 avril un amendement voté par les députés toutes tendances confondues afin d’exiger que le gouvernement mette fin à « sa tactique des petits pas ».

Voici donc Aurore Bergé contrainte d’ouvrir un grand débat démocratique afin de trouver les bons choix de financement et les solutions à mettre en œuvre pour « faire aboutir une loi de programmation du grand âge ».

Entre l’augmentation mécanique de l’Aide Personnalisée d’Autonomie (APA), les hausses des dépenses de santé, celles consacrées aux aidants, sans oublier la nécessité de recruter davantage de personnel mieux payé dans les EHPAD, il faudra consacrer à ces sujets quelques 20 milliards d’euros supplémentaires par an, soit une dépense globale de 50 milliards d’euros contre 30 milliards actuellement. Où trouver ces 20 milliards dans une France déjà très largement endettée ? Sujet hautement inflammable dont Aurore Bergé devra résoudre l’insoluble équation.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique