Grand remplacement ou Grand déclassement ?
Les obsessions égalitaires de Thomas Piketty sont parfois excessives. Les livres de Julia Cagé sont parfois discutables. Le pavé de 830 pages qu’ils viennent de commettre est lourd à digérer… mais il faut le lire
L’ampleur des bases de données sur lesquelles les deux économistes Thomas Picketty et Julia Cagé appuient leur démonstration est impressionnante. On ne dispose pas tous les jours d’une analyse aussi fouillée des élections françaises depuis la Révolution ! Cette profondeur historique permet aux auteurs de cerner la « tripartition » politique actuelle entre un bloc de gauche, un bloc social-libéral et un bloc national patriote. Leur grand mérite est de rappeler que l’appartenance sociale reste un déterminant majeur de la vie politique.
En intégrant la dimension territoriale à l’analyse sociale, les auteurs montrent aussi que l’abandon de la politique de solidarité interrégionale explique la montée des extrêmes. Ce que je ne cesse de répéter en tant qu’ancien responsable de la Datar. Les inégalités d’accès aux services publics sont ici illustrées de façon très parlantes, en particulier au détriment des zones rurales.
Bref, les Français craignent le grand déclassement plus que le grand remplacement. Ce qui relativise grandement les « théories » identitaires de certains esprits excités. En découlent des propositions concrètes en matière de mixité sociale et de fiscalité dont la gauche ferait bien de s’emparer.
À défaut, sa base traditionnelle continuera à dériver vers l’extrême droite. À moins qu’il ne soit déjà trop tard.
