Grippe espagnole pour la Nupes

par Laurent Joffrin |  publié le 28/07/2023

LFI et ses partenaires se divisent sur l’interprétation du vote en Espagne. Signe d’un désaccord beaucoup plus profond

Laurent Joffrin

Si l’on est à gauche, entend-on parfois, il faut, au nom de l’union, s’abstenir de critiquer trop la Nupes. Point n’est besoin de le faire, en effet : elle le fait très bien elle-même. Rares sont les sujets, désormais, sur lesquels les forces qui la composent tombent un tant soit peu d’accord.

Sur la rotondité de la terre, sans doute, ou sur le fait qu’il faut jour à midi, ou encore sur la nocivité de l’extrême-droite. Pour le reste, le chœur n’est jamais harmonieux, à moins de considérer comme telle la musique atonale.

Dernière en date des pommes de discorde : le résultat des élections espagnoles. Énonçant l’évidence, Olivier Faure remarque qu’une élection à la proportionnelle où la gauche espagnole se présentait en ordre dispersé a néanmoins abouti à une résistance remarquable de la coalition dirigée par Pedro Sanchez. Allusion à peine voilée aux prochaines élections européennes en France, qui se tiennent également à la proportionnelle et qui peut être l’occasion d’une nouvelle donne à gauche.

Il n’en fallait pas plus pour qu’il s’attire de nouveau les foudres de Jean-Luc Mélenchon, qui veut à tout prix une liste unique, crie à la rupture programmée de l’union et somme les socialistes de rentrer dans le rang.

Faure a même aggravé son cas en notant que le PSOE avait progressé en voix, tandis que la gauche radicale reculait. En effet, représentée par la formation appelée « Sumar », qui veut dire « additionner » en espagnol, celle-ci a surtout réalisé une soustraction. Du coup, plusieurs socialistes, interrogés par les gazettes, ont répété ce qu’on écrit ici depuis des lustres : la gauche ne gagne que lorsqu’elle est dominée par sa composante réformiste. Comme en Espagne.

Outre sa complexion atrabilaire, l’ire de Jean-Luc Mélenchon a une origine : la conviction de plus en plus affirmée desdits réformistes, dans le PS ou en dehors, que la forme actuelle de l’union mène à l’impasse. Du coup, ils s’organisent.

Bernard Cazeneuve lance un appel bien venu au rassemblement de la gauche républicaine ; le courant d’opposition socialiste animé par Nicolas Mayer-Rossignol se dote d’une revue de réflexion autonome, Carole Delga réunit ses amis en septembre plutôt que de venir aux journées du PS à Blois, à ses yeux trop marquées par « l’esprit Nupes » ; le think tank « Le Lab de la social-démocratie » publie à l’automne un « programme fondamental » ; la direction du PS elle-même constate que l’idée d’une liste socialiste autonome aux Européennes domine de plus en plus.

Petit à petit, la nécessité de reconstruire une force réformiste à gauche, dans les idées et dans l’organisation, s’impose à tous les esprits rationnels. Plus tranchant, Fabien Roussel, au nom du PCF, estime que la Nupes a vécu. Disons qu’elle est en sursis.

Laurent Joffrin