Guatemala: le « pacte des corrompus »

par Yoann Taieb |  publié le 09/07/2023

Deux candidats de gauche vont s’affronter au second tour de l’élection présidentielle dans un pays miné par la corruption de l’État

Bureau de vote à San Juan Sacatepequez, à 40 km de Guatemala City- Photo Luis ACOSTA / AFP

Surprise. Dans un pays où 40 % des 9,4 millions d’inscrits n’ont pas voté, Bernardo Arévalo, candidat social-démocrate donné à 3 % dans les sondages, s’est qualifié au second tour de l’élection avec 12 % des voix. Il affrontera Sandra Torres (15,8 %), ancienne première dame et candidate conservatrice, le 20 août prochain.

Chef du parti Semilla, Bernardo Arévalo s’est engagé à faire sa priorité de la lutte contre la corruption qui gangrène le pays. Il se dit favorable au retour des nombreux magistrats et activistes exilés. Issu d’un pays à forte culture chrétienne où les églises évangéliques ont de l’influence – 40 % de catholiques et 47 % de protestants- il reste malgré tout opposé au mariage homosexuel et à la libéralisation de l’avortement.

Le score de Bernardo Arévalo, un message d’espoir, a été qualifié par le premier président démocratiquement élu du pays, son propre père Juan José Arévalo (1945-1951), comme une « alternative décente et crédible » face à un État qui a tout fait pour disqualifier les candidats susceptibles de contester le pouvoir en place.

Le Guatemala connaît, comme beaucoup de pays sud-américains, une dégradation de sa démocratie symbolisée par l’emprise du « pacte des corrompus » qui est une alliance de politiciens, chefs d’entreprises, militaires et mafieux concentrant l’intégralité des pouvoirs, ressources, réseaux et chassant les oppositions.

Le président actuel, Alejandro Giammattei, son visage légal, est très impopulaire depuis qu’il a défendu des actions violant les garanties constitutionnelles et accentué la régression dans la protection des droits de l’homme et de l’État de droit. Dans un pays qui compte près de 54 % de pauvres, il n’a pas trouvé la parade face à la crise économique et celle du covid.

Le régime voit désormais sa situation menacée et dénonce la « fraude » ainsi que les « vices » du scrutin qui serait « à refaire ». Dans un pays où la pratique de l’achat de vote est généralisée, le « pacte des corrompus » fera tout pour garder le pouvoir.

Yoann Taieb