Guerre commerciale : ce que l’Europe doit faire

par Gilles Bridier |  publié le 02/04/2025

Décidés à vassaliser ses anciens alliés, les États-Unis modifient unilatéralement les règles du commerce international à leur avantage. Aux Européens de réagir…

Le 14 février 2025, Donald Trump publie un plan de droits de douane contre certains des partenaires commerciaux des États-Unis et que l'UE est l'un des plus touchés. Les droits de douane étaient traditionnellement négociés au sein de l’OMC. (Photo Dominika Zarzycka / NurPhoto via AFP)

La guerre économique n’est pas une guerre en dentelles. Bernard Ésambert, qui fut conseiller pour l’industrie de Georges Pompidou et contribua à façonner le concept de « guerre économique » dans les années 70, soulignait que les temps de paix ne faisaient que déplacer les opérations militaires sur le terrain économique et commercial. Mais le principe de la guerre défini par Carl Von Clausewitz comme « la continuation de la politique par d’autres moyens » ne change pas de nature pour autant, et Ésambert constatait que les rivalités pour la conquête des marchés dégénéraient vite dans des affrontements où tous les coups sont permis.

Même les règlements de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui visent essentiellement à fluidifier le commerce mondial, n’ont pas modifié la nature de cette guerre économique. Malheureusement l’Europe a toujours eu trop tendance à sous-estimer l’intensité de ces conflits à bas bruit. Sinon, les pays membres de l’Union européenne auraient fait front commun depuis longtemps. Plutôt que de jouer collectif, ils ont souvent préféré défendre leurs intérêts nationaux en étant complaisants envers les puissances extra-européennes comme les États-Unis qui, aujourd’hui décident unilatéralement de changer les règles à leur unique avantage. Bernard Ésambert notait que, pour qu’un pays s’engage dans une guerre économique, il lui fallait « « un chef de guerre résolu, qui connaisse le métier des armes et qui redonne le moral et l’esprit de conquête à l’économie ». On y est…

Il revient aux pays membres de choisir entre l’action commune contre les oukases de Washington, et la dispersion des stratégies en vue d’amadouer l’aigle américain. Mais dans tous les cas la guerre économique continuera, c’est la capacité de l’Europe à se défendre qui changera. Bien sûr, une escalade dans les mesures de rétorsion est toujours à craindre, car elle est de nature à réduire les échanges, augmenter les prix et briser les dynamiques de production chez les belligérants, entraînant inflation, chômage et repli sur soi. L’action diplomatique a un rôle à jouer pour prévenir la montée aux extrêmes. Mais la volonté de vassalisation de ses alliés d’hier, manifeste au sein du gouvernement américain, ne peut rester sans réponses de la part de pays qui ne cessent de revendiquer leur souveraineté. Et pour reprendre Clausewitz, seul l’équilibre des forces peut dissuader l’adversaire d’intensifier la guerre.

Prise comme un tout, l’Europe est la région du monde économiquement la plus puissante : elle peut relever le défi. Encore faut-il qu’elle ne se comporte pas comme une mosaïque de pays préférant leur propre agenda à celui des autres membres. Cette Europe-là existe dans les traités, mais ses adversaires manoeuvrent pour l’empêcher de se matérialiser. C’est… de bonne guerre: il appartient aux Européens de manifester leur détermination, pas à leurs adversaires de les en convaincre. Aux membres de l’Union de montrer que, au contraire, dans l’adversité, ils resserrent les rangs. Le président américain a qualifié de « jour de la libération » celui où il a dévoilé la liste et le montant de ses « tariffs ». Ce même jour pourrait aussi devenir celui du « front commun » des membres de l’UE. La réponse leur appartient.

Gilles Bridier