Guerre des « woke » : l’empire Disney contre-attaque
La firme californienne vient de prendre une mesure de rétorsion radicale contre le gouverneur de Floride Ron DeSantis. Étrange violence de la « guerre culturelle » américaine
Spectaculaire développement du conflit qui secoue les États-Unis entre « wokes » et « antiwokes », dont le moins qu’on puisse est qu’il verse dans une inquiétante caricature. Disney vient d’abandonner un projet d’implantation en Floride qui comprenait plus de 2000 emplois, en représailles de la campagne menée contre la firme par Ron DeSantis, le très conservateur gouverneur de Floride.
Depuis des années, celui qui ambitionne de concurrencer Donald Trump dans la prochaine primaire républicaine s’est lancé dans une croisade contre le « wokisme » et en particulier contre la compagnie Disney, accusée de propager une sinistre idéologie, à la fois dans son comportement et dans ses productions culturelles.
Les dirigeants de Disney, firme largement présente en Floride avec son gigantesque parc Disneyworld, avaient notamment critiqué la loi « don’t say gay » promue par DeSantis, qui interdit de parler genre et orientation sexuelle dans les petites classes des écoles de l’état.
Le conflit vient donc d’atteindre un pic de tension avec la décision de Disney d’annuler la création d’un campus à 13 milliards de dollars près d’Orlando où se situe le parc Disneyworld. Les démocrates ont aussitôt voué DeSantis aux gémonies et Donald Trump en a profité pour moquer à son tour son rival des primaires.
Curieusement, DeSantis s’en prend à une firme qui a toujours soutenu le Parti républicain et dont les valeurs étaient depuis toujours solidement conservatrices, conformément aux vues de son fondateur. Mais Disney s’est mise au goût du jour en adoptant certaines pratiques dites « woke » et en faisant droit, dans ses productions, aux représentants des minorités ethniques ou sexuelles.
Pour être franc, le « wokisme » de Disney dans ses films ne casse pas trois pattes à un canard (il s’agit d’introduire des personnages noirs ou gays dans les intrigues, ou encore de donner aux héroïnes un rôle plus actif qu’auparavant). Mais l’apparition de héros homosexuels dans les scénarios met en fureur les lobbys religieux américains si puissants au sein du Parti républicain, qui y voient la diffusion d’une déviation impie.
On a assez souvent critiqué ici les ridicules et les outrances des militants dits « woke » pour le dire tranquillement : les campagnes menées par la droite conservatrice, aux États-Unis, mais aussi en France, ont quelque chose de factice et de sectaire.
Sous prétexte de critiquer un « nouveau dogme » – ce qui peut se comprendre – il s’agit surtout de lutter contre les droits égaux pour les minorités sexuelles et contre les politiques antidiscriminatoires du camp progressiste au sens large (et pas seulement « woke »).
On passe de la critique légitime des nouvelles doctrines, à la lutte contre l’émancipation des minorités. La « guerre culturelle » américaine n’a pas encore atteint le même degré d’intensité en France. Il est peut-être temps de la prévenir…