Guerre d’Ukraine : ces chiffres qu’on oublie
Le rapport de forces entre la Russie et l’Ukraine semble écrasant en faveur de Poutine. Mais ce n’est pas ce que disent les statistiques.
Les chiffres sont secs, froids, impersonnels et, surtout, croit-on, on leur fait dire ce qu’on veut. Pour Churchill, il y avait en politique trois sortes de mensonges : les mensonges ordinaires, les foutus mensonges, et les statistiques. Pourtant il est des cas où le rappel de certains ordres de grandeur permettent une vision plus lucide d’une situation donnée, par exemple : la guerre en Ukraine.
C’est un chiffre déniché au détour d’un article du Monde qui illustre bien ce phénomène. Alors même qu’on voit le conflit entre Poutine et Zelensky comme celui de David et Goliath – un petit pays méritant d’un côté, une nation immense aux ressources infinies de l’autre, sous les yeux d’une Europe en retrait – ce chiffre nous ramène soudain les pieds sur terre. Le PIB de la Russie, en effet, sans qu’on ait vraiment pris en compte cette réalité, est inférieur à celui de la France. Autrement dit les 240 millions de Russes produisent nettement moins que les 60 millions de Français. Il en va de même pour le PIB de l’Allemagne, celui de l’Italie ou de la Grande-Bretagne, tous supérieurs à celui de la Russie. Sans parler, bien sûr de celui des États-Unis, à lui seul plus de dix fois supérieur à celui de la Russie. Ainsi cette guerre est effectivement inégale, mais pas dans le sens qu’on croit. Les forces matérielles de la coalition qui soutient l’Ukraine sont autrement plus massives que celles de la Russie.
Dépenses militaires
On dira que ce qui compte en temps de guerre, c’est le rapport de forces entre les armées et on aura raison. Quoique pays pauvre, la Russie consacre à ses dépenses militaires une part de sa richesse nettement supérieure à celle des Européens. Mais là aussi les chiffres ouvrent une perspective inattendue : les démocraties font moins de sacrifices en faveur de leurs armée qu’une dictature comme celle de Poutine. Mais comme ce petit pourcentage de dépenses militaires s’applique à un dénominateur beaucoup plus imposant, les masses tendent à s’équilibrer en valeur absolue. Et si l’on prend en compte les arsenaux américains, les démocraties disposent d’une supériorité militaire écrasante.
Le problème, en fait, vient de ce qu’elles n’en consacrent qu’une petite partie au conflit ukrainien. Il leur suffirait d’accroître leur effort, sans obérer leurs économies nettement plus prospères que celle de la Russie, pour renverser la balance des forces.
On dit souvent que le temps travaille pour Poutine. Au vu des chiffres qu’on vient de citer, rien n’est moins sûr. À la tête d’une économie faible et brinquebalante en regard de celle de l’UE, le dictateur russe risque de s’épuiser et, surtout, d’épuiser son peuple, maintenu dans un niveau de vie deux à trois fois inférieur à celui de l’Ouest, notamment en raison de cette guerre folle. Et si la sagesse de La Fontaine s’appliquait en fait à ce conflit inégal ? « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».