Haine anti-juive
Le crime abject de Courbevoie montre, s’il en était besoin, que l’antisémitisme en France n’a décidément rien de « résiduel ». Il empoisonne tout autant la campagne électorale, dans une angoissante régression.
L’horreur à l’état pur : à Courbevoie, une fillette de douze ans a été insultée, frappée, jetée au sol et violée parce qu’elle était juive. Les suspects, arrêtés par la police, sont des gamins à peine plus âgés d,ont on suppose qu’ils ont intégré, fort jeunes, à leur fruste manière de voir, le machisme et l’antisémitisme les plus abjects. Antisémitisme « résiduel » ? « Sentiment d’insécurité » ? Ces expressions qu’on a entendues à gauche sont une nouvelle fois controuvées par les faits, qui sont terribles et têtus.
Ainsi l’antisémitisme, doublé cette fois de violence sexiste, outre qu’il vient de ruiner la vie d’une jeune fille, point essentiel, percute par la force des choses une campagne déjà empoisonnée par les dérapages et les ambiguïtés des deux extrêmes en matière de racisme. Le Rassemblement national avait éliminé depuis des années le fléau de ses discours. Il vient d’être rattrapé par la patrouille : il a investi dans le Morbihan un dénommé Martin, et sans la curiosité du journal Libération, personne n’aurait sans doute su que ce Martin, âne raciste, avait fait l’éloge de la shoah sur Twitter, ce qui a manifestement échappé à la vigilance de Jordan Bardella, qui a posé avec lui tout souriant pour une photo souvenir.
Le candidat Premier ministre lui a aussitôt retiré son soutien. Mais comment ce personnage a-t-il pu être investi ? Et combien de candidats RN, si l’on fouille encore, vont voir ressurgir telle ou telle déclaration fétide, contre les juifs ou les musulmans, par eux prononcée ? Quand on entretient un écosystème plus ou moins raciste, même si l’on efface tout dans les apparitions publiques, on s’expose à ce genre de mésaventure. On attend sur ce point l’opinion de Serge Klarsfeld, nouveau soutien du RN…
Complaisance
On a relevé ici, de la même manière, les fautes ou des ambiguïtés de la France insoumise, qui a placé parmi ses candidates ou candidats des personnages notoirement louches sur la question, sans que la révélation de leurs propos, également fétides, l’aie un tant soit peu émue. Elle s’étonne ensuite qu’on puisse la mettre en cause sur ce chapitre… Cette complaisance coupable a produit une sorte de tour de force : c’est maintenant la gauche qui est sur la défensive dans ce domaine. Le RN explique benoîtement qu’il faut « faire barrage aux antisémites », remarquable inversion des rôles, dont l’effet rhétorique est politiquement désastreux pour la gauche.
Il y aurait une solution républicaine à cette fort malsaine situation : que tous les partis, notamment ceux qui sont situés aux extrémités du spectre politique, épluchent de nouveau les faits et gestes de leurs candidats et fassent un sérieux ménage pour démontrer, par le fait, qu’ils rejettent sans aucune concession cet antisémitisme qui gangrène de plus en plus la scène publique – et la société – depuis le 7 octobre. Mais c’est sans doute trop demander…