Halte au feu!

par Bernard Attali |  publié le 02/12/2023

Un sondage nous apprend que 26% des Français considèrent la violence, qui envahit notre quotidien, comme un recours « normal ». Il est temps de réagir, non? 

La violence a envahi notre vie quotidienne : images du drame ukrainien, barbarie de ce qui nous montre Gaza, fusillades dans nos banlieues, attaques au couteau dans des villes jusque-là épargnées…. Une étude récente de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) tente de cerner le phénomène. Ses conclusions sont effrayantes. Alors que la violence marquait le pas dans notre pays au cours de la décennie précédente , elle explose depuis 2018. Agressions, dégradations, vols, piratages, menaces sur des élus, harcèlements et insultes antisémites se multiplient.

Cagoules et battes de base-ball sont les accessoires à la mode. Et le pire est à craindre : on ne tardera pas à retrouver dans nos banlieues une large part des armes que l’on envoie massivement dans les Balkans. Certes, notre pays a toujours eu une tradition contestataire. Mais aujourd’hui, tout est prétexte : les Gilets jaunes ont applaudi les « blacks-blocks », les verts radicaux s’insurgent devant la moindre retenue d’eau, les animalistes passent à l’action contre telle ou telle exploitation agricole, l’ultragauche ne digère pas la réforme des retraites, les antifas font le coup de poing contre les ultra-droites et vice versa.

« Le passage à l’acte n’est plus disqualifié par l’opinion. »

Rien de nouveau ? Si ! Le grand mouvement social de 1995 n’avait entrainé aucune violence. Aujourd’hui, les syndicats ont perdu la main. Arracher la chemise d’un cadre n’est pas un problème pour certains d’entre eux. Surtout le passage à l’acte n’est plus disqualifié par l’opinion. Une enquête Ipsos de septembre 1922 nous dit que le recours à la violence est considéré comme « normal » par 26 % des personnes interrogées. Ce que confirment toutes les études depuis.

« Il est temps que les Français se reprennent. »

D’incident en incident, ne sommes-nous pas en train de nous habituer à l’inacceptable ? On notera que beaucoup des actions répréhensibles ont été commises contre des décisions licites des autorités exécutives et judiciaires, parfois même approuvées par referendum, comme ce fut le cas pour le projet d’aéroport de Nantes. Cette montée de la fureur est un signal fort de la dégradation de notre vie démocratique. Et le jour n’est pas loin où les forces de l’ordre, meurtries et dépassées, baisseront les bras. Or il n’y a pas de justice sans ordre.

Il est temps que les Français se reprennent. Il est urgent de faire comprendre à tous que l’État est là pour assurer leur liberté et qu’en le provoquant par incivisme, ils travaillent contre leur propre intérêt. La République doit avoir la main ferme ! À quand un grand programme d’éducation sur ce sujet dès le plus jeune âge ? À quand de vraies sanctions pour les contenus haineux sur les réseaux sociaux ? À quand le retour à une vraie police de proximité ? À quand une remobilisation de toutes les associations et autres forces bénévoles capables, au plus près du terrain, d’encadrer jeunes et moins jeunes gangrenés par l’oisiveté, la drogue ou l’islamisme ?

Les politiques et les médias ont à cet égard une grande responsabilité : il leur appartient de ne pas attiser les peurs et de promouvoir le respect de l’autre. Il serait urgent que toutes les forces démocratiques de ce pays s’engagent ensemble dans ce combat, au-delà de toute appartenance politique. Regardons le monde autour de nous : partout des régimes illibéraux montent en puissance. Nous avons, nous, la chance de vivre dans un des pays les plus libres qui soient. Ne laissons pas une minorité d’imbéciles ou de criminels gâcher cette chance.

Bernard Attali

Editorialiste