Harcèlement scolaire: ce fléau qu’on ne veut pas voir
Avec les réseaux sociaux anonymes, le harcèlement devient un phénomène de masse. Notre société a changé. Et les dégâts à venir s’annoncent dévastateurs. Il y a urgence!
Le suicide de la jeune Lindsay à la suite du harcèlement scolaire dont elle a été la victime révèle la société dans laquelle nous vivons. Or, quand on écoute le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, les syndicats des chefs d’établissement ou les professeurs, une question se pose clairement : quelqu’un a-t-il pris la mesure de ce que ce drame de la vie contemporaine signifie ? Pour nous tous ?
Pas vraiment. Sur ce sujet, la vie politique et syndicale à ce propos contribue à banaliser la signification. Alors qu’il faudrait, au contraire, comprendre comment les réseaux sociaux ont transformé les relations sociales. Au point d’abimer non seulement les échanges sur le numérique, mais également toutes les relations : dans les cours d’école, le collège, la rue.
En quelques jours, tout est allé très vite. D’abord, Pap Ndiaye demande que tous les élèves des collèges de France reçoivent une heure de sensibilisation sur le harcèlement scolaire dans la semaine. « Un effet d’annonce qui ne résout rien », répliquent les syndicats qui exigent un investissement sur le long terme de l’Éducation nationale.
Pourtant, la réaction d’un ministre, même si elle tient d’abord du symbole, n’en reste pas moins légitime, voire nécessaire. La réaction immédiate pour l’assassinat de Samuel Paty ne vaudrait pas pour la mort de Lindsay ?
Pap Ndiaye, qui a entendu la critique, a d’ailleurs annoncé le lancement d’une campagne nationale de prévention à la rentrée, affichage, télévision et réseaux sociaux. Et toute une journée de réunion avec les ministres de l’Intérieur, du Numérique, de la Justice, de la Jeunesse, de la Famille. Objectif : prévenir, détecter et prendre en charge. Le suicide de Lindsay traduit aussi les carences de son établissement.
Le récent suicide de Lucas, 13 ans, victime d’homophobie dans une école des Vosges, témoigne d’un fléau qui toucherait chaque année près d’un million d’élèves, soit… un élève sur 10.
Là, on ne parle pas de la cruauté ordinaire dans une cour d’école, mais d’un phénomène de violence collective, d’emprise.
Il y a urgence. Nous avons changé de société, il n’est plus temps de tergiverser. À l’abri des réseaux sociaux, la meute sait comment pousser les individus à bout. Encouragés par l’anonymat, se parant même de vertus morales, les harceleurs ne connaissent plus de limites. Jusqu’au lynchage. Si le programme PHARE – plan de prévention du harcèlement à destination des écoles, collèges et lycées – propose, depuis 2019, une méthode et des dispositifs de prévention et d’intervention, si un concours « Non au harcèlement » a été créé, nous sommes encore loin, très loin du compte.
Face à un phénomène qui ne fait que commencer, toute la société est concernée, de la sphère familiale aux géants du Net. Il est temps de prendre la mesure du changement, de ses effets dévastateurs, et des dégâts exponentiels à venir. Au regard de l’enjeu, les joutes oratoires politiques ou syndicales à courte vue sont dérisoires.