Haro sur la culture !
Une présidente de région coupe d’un seul coup les subsides de la création culturelle. L’avant-goût d’une politique nationale pour la droite française ?
« Quelle est la pérennité d’un système qui, pour exister est à ce point dépendant de l’argent public ? N’est-ce pas la preuve que notre modèle culturel doit d’urgence se réinventer ? ». Ainsi s’exprime la présidente de la région des Pays de Loire, Christelle Morançais, pour ajouter : « un système dont on constate, en plus, qu’il est, malgré les subventions dont il bénéficie, en crise permanente ? (…) La culture serait donc un monopole intouchable ? Le monopole d’associations très politisées, qui vivent d’argent public ».
Joignant le geste à la parole, la présidente vient d’annuler presque toutes les subventions de la région à la culture ! Le festival de cinéma d’Angers, soutenu par la ville d’Angers, dont le maire appartient pourtant au même parti que la présidente de région et qui honore notamment les premiers films européens, apprend un mois et demi avant son démarrage, en janvier 2025, que sa subvention de 110 000 euros est supprimée. Idem pour la maison de Julien Gracq, résidence d’écrivains, à Saint Florent le Vieil, la Folle journée de Nantes, le festival de rue Le Chaînon, l’orchestre des pays de Loire… Cent millions d’économie, pris en partie sur un secteur qui représente 150 000 emplois dans la région. Tous de malfaisants gauchistes, sans doute, qui ont d’ailleurs manifesté – 3000 personnes – lundi 25 novembre, devant le conseil régional. Le président du Syndéac (spectacle vivant subventionné, 500 adhérents, 15000 salariés), Nicolas Dubourg, vient de démissionner , dénonçant dans Le Monde, « la situation du service public dans une situation extrêmement critique », annonçant licenciements et fermetures.
C’est en fait le service public lui-même qui est attaqué par madame Morançais. L’accès à la culture devrait-il se soumettre à la loi du marché ? L’argent public qui lui est alloué est une garantie de son indépendance, de son renouvellement, de son accessibilité à un moindre coût pour les plus défavorisés. Augmenter les tarifs, le « rentabiliser », revient à réserver spectacles et œuvres aux plus riches, à réduire l’offre culturelle aux seuls succès commerciaux. C’est pour cela que le prix unique du livre a été imposé, c’est pour cela que la culture est subventionnée par l’État et les collectivités locales, sans lesquels les compagnies théâtrales, les orchestres, toutes les manifestations culturelles, ne peuvent pas vivre ni offrir au public des œuvres variées, originales, audacieuses.
Jusqu’à maintenant, cette politique faisait de notre pays une exception culturelle, pour laquelle se sont battus en leur temps aussi bien François Mitterrand que Jacques Chirac. Personne n’avait remis en cause cette orientation politique. La culture n’est pas seulement un lieu où se créent des œuvres. C’est un lien social et une garantie de la liberté d’expression, toutes choses essentielles à la démocratie.
Madame Morançais l’a bien compris, qui s’attaque à la fois aux personnes et aux idées, comme autrefois le ministre Maurice Druon, qui vilipendait « ceux qui tiennent un cocktail molotov d’une main, et une sébile de l’autre. » Décidément, cette droite toujours aussi bête n’a rien appris et rien compris. On attend avec intérêt les réactions d’Edouard Philippe, groupe auquel appartient la présidente de région. S’agit-il d’un programme culturel pour la présidentielle ? Le maire du Havre ne nous avait pas habitués à cela.