Hausse du chômage : les responsables
L’explosion du nombre de faillites et les pertes d’emploi subséquentes ne tombent pas du ciel. Pourquoi les difficultés liées au remboursement du prêt garanti par l’Etat n’ont-elles pas été anticipées ?
Le cap des 66.000 défaillances d’entreprises sur douze mois a été franchi en octobre, et les pouvoirs publics sonnent le tocsin. Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. Le nombre de faillites avait été particulièrement bas en 2021 : en pleine période de Covid, la béquille du prêt garanti par l’Etat (143 milliards d’euros au total, selon les chiffres de la Banque de France) palliait le déclin de l’activité. Le nombre des dépôts de bilan baissa de moitié. Paradoxe !
Aujourd’hui, c’est le retour de balancier. Lorsqu’il a fallu rembourser le prêt, l’effet d’aubaine créé par le « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron a tourné au piège mortel. Sur les 558.000 bénéficiaires du PGE qui a pris fin en juin 2022, seulement deux sur trois avaient remboursé. Aujourd’hui, le dernier tiers met la clé sous la porte. Par rapport à la moyenne du nombre des défaillances des années pré-Covid, la hausse sur douze mois atteint 23%.
Des alertes dès l’an dernier
Pouvait-on anticiper ? Oui. Les clignotants ont viré au rouge dès l’année 2023, lorsque le nombre mensuel des dépôts de bilan a doublé par rapport au plus fort de la période Covid. A-t-on opté pour une politique de l’autruche? Oui. Aucun dispositif ne fut mis sur pied pour faire barrage à la déferlante qui s’annonçait. La seule mesure d’anticipation du gouvernement Attal consista à réformer l’assurance chômage pour en durcir les conditions afin de réaliser des économies. Une façon de faire supporter aux futurs chômeurs les excès du PGE, qui n’a finalement pas été appliquée du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, le gouvernement Barnier prépare l’opinion publique à des décisions douloureuses.
Certes, les dispositifs d’aide publique aux entreprises ne manquent pas en France. On en compterait plus de deux mille versées par l’Etat, la sécurité sociale, les collectivités locales et l’Europe, pour un total de 260 milliards d’euros selon un calcul de la Cour des comptes en 2023. Mais par sa complexité et la dispersion des mesures, l’écosystème de ces aides s’est révélé inefficace pour empêcher le retour de bâton. Même si la hausse du nombre des faillites – en particulier des PME – avec son lot de licenciements, ne tient pas qu’au remboursement du PGE. Entre la crise du pouvoir d’achat et la pression de la concurrence étrangère, les grands donneurs d’ordre révisent leur stratégie à la baisse dans l’hexagone, Dans ces conditions, selon un scénario bien connu, ils en répercutent d’abord les effets sur leurs sous-traitants.
L’Europe tergiverse
La France n’est pas seule concernée; c’est toute l’Europe qui est prise en tenaille entre le protectionnisme américain renforcé, d’une part, et l’agressivité de la Chine pour relancer sa croissance d’autre part. Les États-Unis ont prévu 370 milliards de dollars d’allègements fiscaux et de subventions dans « l’Inflation reduction act (IRA) » voté en août 2022, pour favoriser l’implantation des multinationales sur le sol américain et relancer la consommation de produits nationaux. Une stratégie qui consiste à capter les investissements de ces groupes au détriment notamment de l’Europe. Le différentiel de coût de l’énergie, trois fois moins cher outre-Atlantique, ajoute à l’attrait de l’Amérique, qui réexporte ensuite vers l’Europe.
Et côté chinois, la saturation de certains marchés comme l’automobile électrique (selon la stratégie qui a prévalu pour les panneaux voltaïques) asphyxie les constructeurs européens, incapables de s’aligner sur les prix de leurs concurrents asiatiques qui profitent de subventions publiques sur le plus grand marché de la planète.
« Oui à une Europe ouverte, non à une Europe offerte », avertissait déjà Jacques Delors en …1989 ! Tout se passe aujourd’hui comme si les 27 membres n’avaient rien retenu des déboires passés. Certes, la Commission européenne réagit avec son Pacte Vert en faveur de la transition écologique, d’un montant comparable à son concurrent américain. Mais alors que les Etats-Unis ont déjà ouvert l’enveloppe des subventions, l’Europe tergiverse toujours sur le contenu de ce pacte, et sur les normes à mettre en place pour rendre les aides accessibles. Dans le bras de fer avec à la Chine, les 27 sont divisés et réagissent à contre-temps, comme avec la hausse des droits de douane sur l’automobile électrique. Face à un tel brouillard, les investisseurs qui ont besoin de stabilité se tournent vers d’autres horizons.