Hitler, aussi, a été interviewé
Selon LFI, il ne fallait pas donner la parole à Netanyahou, sur TF1. Pourtant, même le Chancelier nazi…
Dans les années 30, journalistes et intellectuels français se bousculent pour interviewer aussi bien le chancelier allemand Adolf Hitler que Benito Mussolini, le président du Conseil italien. Montée des périls oblige. Qu’est-ce que ces dictateurs ont dans la tête ? Bertrand de Jouvenel a 32 ans. Il est le fils d’un diplomate, a été l’amant de sa belle-mère Colette qui fera de cette aventure un roman « Le blé en herbe ». Il se veut journaliste, économiste. Un homme très introduit dans le microcosme politico-médiatique de l’époque . C’est aussi un partisan du rapprochement entre Paris et Berlin.
Il connait bien Otto Abetz rencontré dans les réseaux des jeunesses franco-allemandes. Le diplomate sera sous l’occupation le promoteur du rapprochement culturel entre l’Allemagne et la France. Il va obtenir pour le Français une interview du chancelier. Jean Prouvost, industriel du textile du nord, mais surtout patron de presse et propriétaire du plus grand quotidien français de l’époque, « Paris Soir » qui tire à un million et demi d’exemplaires est preneur.
Nous sommes en février 1936. Le Front populaire a gagné les élections le 16, en Espagne. Les Nationalistes vont déclencher un putsch qui provoquera la terrible guerre civile. Au printemps, c’est le Front populaire français qui va remporter les élections législatives. En attendant, le chancelier nazi a décidé de recevoir dans ses appartements privés dans la capitale du Reich le journaliste français. Adolf Hitler se montre aimable. Son intervieweur s’avoue fasciné par le « magnétisme extraordinaire » du dictateur. Lequel rend hommage à la « race formidable » du jeune Édouard Bertrand de Jouvenel des Ursins ignorant sans doute que sa mère est juive ?
Malgré cet échange de politesses, le Führer n’a aucunement l’intention d’accorder une vraie interview. Il s’agit bien plus d’une sorte de monologue à peine entrecoupé de questions qu’il se pose à lui-même. Il expose des vues plutôt pacifiques à l’égard de la France. L’entretien complaisant ne présente en fait pas grand intérêt journalistique, ni révélation ni prise de position retentissante. Hitler pérore comme d’habitude. Il lance même : « si je réussis le rapprochement franco-allemand, ce sera une rectification digne de moi ! » Rétrospectivement, on croit rêver.
Jean Pouvost ne publiera pas cette interview de peu d’intérêt qui sera imprimée dans un autre titre, Paris-Midi. Bertrand de Jouvenel va lui être attiré par le Parti populaire français de Jacques Doriot qui deviendra un collaborateur zélé de l’occupant nazi. Il le quittera en 1938. Mais cette tâche sera difficile à effacer. Pendant l’occupation, il travaille pour le service de renseignements de l’armée d’armistice qui renseigne les Britanniques. Après la Libération, il devient un intellectuel de premier plan, un économiste précurseur de l’écologie politique, promoteur de la prospective, plus apprécié outre-Atlantique que dans son propre pays. Oublié Hitler…