Huey Long, le « Messie des rednecks »
Devant ses juges, Trump affiche l’arrogance d’un démagogue qui ne croit qu’au verdict du peuple qu’il manipule. Il n’est pas le premier…
L’Amérique des années 30, trimbale son lot d’idées nauséabondes. Et la crise de 1929 n’arrange rien. En 1928, le Ku Klux Klan a défilé à Washington. Une bonne vingtaine d’États ont voté une loi qui autorise la stérilisation des criminels, mais aussi de malades, de pauvres. Dans le sud profond, va prospérer un démagogue populiste de la plus belle espèce.
Huey Pierce Long est né le 30 août 1893, de parents fermiers, dans une bourgade du nord-est rural de la Louisiane. À 22 ans, il est admis au barreau. Sa carrière politique prend son envol lorsqu’il est élu à la State Railroad Commission, qu’il transforme en Public Service Commission. L’organisme veille à la qualité des services publics : transports, télécommunication, eau, distribution d’énergie, ainsi qu’au niveau des tarifs.
Huey Long va en faire une arme contre la Standard Oil of Louisiana, la filiale locale du géant pétrolier que dirige John Rockefeller II, le fils du fondateur. Rien de tel que de s’en prendre à un représentant de l’establishment de la côte est, pour parfaire son image de défenseur du peuple contre les élites.
La Louisiane est un magnifique terrain de manœuvre pour celui qui va mériter les surnoms de « Messie des rednecks » (les ploucs) , « Mussolini des bayous » » ou encore « Hitler des marécages ». En 1928, élu gouverneur, il déjoue une procédure d’impeachment et poursuit son ascension… et ses frasques. Il nomme sa maitresse et assistante de 24 ans, secrétaire d’État de Louisiane et se fait délivrer un titre de docteur en Droit de l’université Loyola, sa thèse écrite par un autre. Il fait séquestrer un témoin qui veut révéler la corruption dans les services des Ponts et Chaussées. Mais le « kingfish », son surnom, celui d’un poisson avide et prédateur, s’active, il diminue les impôts indirects, retarde l’échéance des dettes privées qui ruinent la paysannerie. L’université de Bâton Rouge triple ses effectifs. Une faculté de médecine est créée à La Nouvelle-Orléans.
En 1931, élu au Sénat, il clame : « le pays a besoin d’un dictateur! » Il soutient quand même la candidature de Franklin Delano Roosevelt à la présidentielle, mais se rapproche de l’extrême droite antisémite et développe un discours anticommuniste et antisyndical. H. Long finit par traiter Roosevelt de « menteur » et de « truqueur », et laisse entendre qu’il pourrait se présenter à la présidentielle. Alors la presse rappelle qu’il prend la garde nationale de Louisiane pour sa garde prétorienne, qu’il contrôle les élections, nomme des fonctionnaires qui devraient être élus, embauche et licencie les maitres d’école, tient sous sa coupe les pompiers, les policiers, les dockers, les employés des hôpitaux… et qu’il a fait voter, le 16 novembre 1934, 44 lois de son cru en deux heures.
Les fonctionnaires du Trésor le soupçonnent de détourner les fonds destinés aux chômeurs. Au printemps 1935, il annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 1936. Mais à Bâton Rouge, un médecin lui tire une balle dans le ventre. Huey Long meurt à l’hôpital. Son assassin aurait voulu venger son beau-père, un juge chassé par Long. André Maurois, grand connaisseur des États-Unis, publiera un portrait sans concession, en concluant : « un démagogue perdu, deux retrouvés. »