IA et emploi : la grande peur du siècle

par Gilles Bridier |  publié le 16/07/2023

Avec l’intelligence artificielle, les salariés craignent pour leur poste. Ils n’ont pas tort

Exposition concernant la robotique et intelligence artificielle -Photo Philippe Clément / BELGA MAG

L’intelligence artificielle (IA) est-elle l’ennemie de l’emploi? C’est ce que pensent, sur les dix ans à venir, trois salariés sur cinq des sept pays européens pour lesquels l’OCDE ( Organisation de coopération et de développement économique) a établi ses « Perspective pour l’emploi 2023 ». Et une proportion équivalente considère que l’IA pourrait engendrer des baisses de salaires dans leur secteur d’activité, creusant les inégalités.

Les craintes des salariés sont fondées puisque, selon cette étude, les professions « les plus exposées au risque d’automatisation représentent 27 % des emplois ». Une mise en garde qui fait écho à une autre révélée par la banque Goldman Sachs évaluant à… 300 millions le nombre d’emplois qui pourraient disparaître dans le monde sous l’effet du développement de l’IA, affectant ainsi « le quart de l’activité mondiale ».

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle cristallise toutes les inquiétudes. Pourtant, elle n’a pas surgi brutalement dans le panorama. Déjà, en 1997, et pour la première fois, l’ordinateur Deep Blue battait aux échecs le champion Garry Kasparov. C’était il y a un quart de siècle, et l’homme devait reconnaître sa défaite face à la machine.

Depuis, de nouvelles générations d’intelligences numériques se sont diffusées. Et surtout, l’IA a changé de dimension en devenant générative, c’est-à-dire en acquérant – telle ChatGPT – la capacité d’apprendre et de développer ses propres compétences à partir des algorithmes qui lui ont été programmés.

De quoi, pour le ministère de l’Économie, considérer l’IA et le contrôle des données comme un « enjeu de souveraineté ». À tel point que l’État a dégagé une enveloppe de 25 millions d’euros pour aider les entreprises à intégrer des solutions d’intelligence artificielle dans leur processus de production.

Les entreprises n’ont pas attendu les alertes du gouvernement pour s’intéresser au nouveau phénomène. En France, environ un établissement sur deux dans les domaines de l’industrie, de la finance, du commerce et même de l’agriculture ont déjà déployé l’usage de l’IA, souligne Pôle emploi.
Côté employeur, l’impact serait positif sur la performance et l’autonomie des salariés, la réduction des tâches fastidieuses, mais aussi la réduction des coûts de main-d’œuvre qui se traduit en réduction d’effectifs.
Côté salarié, selon l’OCDE, deux sur trois reconnaissent être plus épanouis dans leur activité professionnelle et quatre sur cinq enregistrent une amélioration de leurs résultats. Les craintes, c’est pour l’avenir.

Car des professions entières s’apprêtent à vivre de profonds bouleversements, comme le journalisme et le trading boursier avec à la clé des disparitions massives de postes. Et même dans les secteurs focalisés sur l’humain, comme le médical ou le juridique, les méthodes de travail vont être révolutionnées.


L’UNESCO alerte sur l’éthique : « Les progrès technologiques rapides dans le domaine de l’Intelligence artificielle remettent en question ce que signifie d’être humain », mais elle peut aussi « être une chance formidable pour accélérer la réalisation des objectifs de développement durable ».
À condition d’anticiper de nouveaux équilibres dans ce face-à-face entre l’homme et le robot.

Gilles Bridier