Il était une fois le ministère de la Culture…

par Jérôme Clément |  publié le 13/01/2024

Seize ministres successifs depuis Jack Lang, vingt mois en moyenne en fonction, plus politicienne que culturelle, et l’arrivée finale de Rachida Dati… Malraux, reviens ! Ils sont devenus incultes

Jérôme Clément

Il fut un temps où la culture était une priorité d’État : Malraux et Lang ont pu, chacun, mettre en œuvre un projet, soutenu par un Président convaincu que la culture devait être un élément central de leur politique. De Gaulle, parce qu’il y allait de la grandeur de la France, Mitterrand, parce que les forces de l’esprit exigeaient une priorité autre qu’économique.

Ont été créés des outils législatifs, réglementaires très sophistiqués dans tous les domaines culturels, du patrimoine au cinéma, de la danse aux livres, qui ont fait éclore des générations de talents pour l’éducation, le plaisir et la joie des publics les plus variés.

Il fut un temps où les ministres avaient le temps de penser, d’échafauder et de mettre en œuvre une politique digne de ce nom : dix ans pour Malraux, autant pour Lang et même un peu plus. Depuis son départ, il y a eu 16 ministres de la Culture. En 30 ans, cela fait à peu près 20 mois par ministre !

Effilochage

Il fut un temps où l’on choisissait les ministres en fonction de leur compétence et d’un lien même ténu, avec la culture, de leur intérêt pour le sujet, cela témoignait d’un minimum de respect pour les artistes, les écrivains, le patrimoine. Et puis, tout cela s’est effiloché au fil des gouvernements : choisis pour leur sexe, leur nom, leur appartenance à un des groupuscules de la majorité, la rue de Valois s’est retrouvée une variable d’ajustement d’équilibres qui ne la concernait pas.

Il fut un temps où il y avait une pensée sur la culture, parce que c’est un héritage français, et que l’on avait compris que Gramsci avait raison : l’hégémonie politique commence par la culture et l’idéologie. Aujourd’hui, seul le Rassemblement national a retenu la leçon.

Et puis, l’on avait compris que les inégalités sociales commençaient par l’accès à la culture, que toute politique sociale est d’abord culturelle. Et que l’économie, pour importante qu’elle soit, n’est peut-être pas la finalité unique de l’activité humaine. L’argent n’est pas tout.

Aujourd’hui, la chute est encore plus dure. Objet de combines politiques totalement indépendantes de son sujet, la culture est prise en otage. Quelle politique ? Quelle direction ? Quel souffle ?

Il fut un temps…

Jérôme Clément

Editorialiste culture