Il y a 70 ans, Mendès France….

par Pierre Feydel |  publié le 28/06/2024

Sept mois et dix-sept jours d’un gouvernement dont l’action, dénuée de toute démagogie, restera longtemps un exemple pour la gauche française

Pierre Mendès -D.R

En Indochine, la France est en pleine débâcle. Diên Biên Phu est tombé le 12 mai 1954. Le 17 juin, Pierre Mendès France, pressenti par le président Coty pour former le gouvernement, se garde de demander les pleins pouvoirs au Parlement. Il se donne quatre semaines pour régler le conflit. Il remettra la démission de son gouvernement si, à cette échéance, il n’a rien obtenu. Les députés sont impressionnés par cet engagement inhabituel. Dans la nuit, le nouveau président du Conseil obtient l’investiture. Il forme son gouvernement sans passer par l’état-major des partis comme c’est la tradition. Et décide qu’à la radio tous les samedis soir, il rendra compte de son action aux Français. Des nouveautés qui annoncent une gouvernance différente.

PMF est un radical de la gauche de ce parti, qui a rejoint le général de Gaulle à Londres, combattu dans les forces aériennes de la France libre. C’est aussi un économiste keynésien qui a participé à la création de la Banque mondiale et du FMI, après la Seconde Guerre mondiale. À ce passé, il ajoute une certaine notoriété depuis que Jean-Jacques Servan-Schreiber a lancé « L’Express » pour soutenir son action et promouvoir le « Mendésisme », un mélange de rigueur et de simplicité associé à un souci de pédagogie permanente. L’affaire indochinoise va être rondement menée. Les Français et le Viêt Minh signent un accord d’armistice le 20 juillet. La France s’en va.

Très rapidement, le président du Conseil va être confronté à une autre crise. Celle qui couve au Maghreb. Mendès veut faire de la Tunisie, sous protectorat français, un modèle de décolonisation. Le 10 août, il entame les négociations sur l’autonomie du pays avec le Néo Destour, le parti indépendantiste d’Habib Bourguiba. En janvier 1955, un accord est trouvé. Mais le chef du gouvernement n’aura pas le temps de s’attaquer au cas marocain.  Il ne veut pas restaurer le Sultan. Pas plus qu’il ne pourra commencer à se pencher sur la situation algérienne où l’insurrection débute. Il lui reste trop peu de temps au pouvoir. Il aura quand même celui d’assister à l’enterrement du projet de Communauté européenne de défense dont le 29 août 1954, l’Assemblée nationale refuse la ratification par 319 voix contre 263.

Pierre Mendès France s’illustrera aussi par un combat déterminé contre l’alcoolisme. En 1954, la consommation française d’alcool est une des plus fortes au monde : 21 litres par habitant par an contre 9,5 en Italie. Il enlève à un million de petits récoltants la qualité de bouilleurs de cru. Les protestations sont massives.  PMF fait distribuer les excédents de lait dans les casernes et les écoles. Le président du Conseil est encore populaire (55% d’opinions favorables), mais sa majorité parlementaire s’effrite. MRP et Socialistes sont devenus hostiles. De Gaulle l’a prévenu : « On vous a permis de liquider l’Indochine, la Tunisie, la CED, mais on ne vous permettra pas de faire une politique constructive. » Le 6 février 1955, à 4h.50 du matin, les députés lui refusent la confiance lors d’un débat sur la situation en Afrique du Nord. Son gouvernement aura duré 7 mois et 17 jours.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire