Immigration : la macronie en pleine crise
En donnant son blanc-seing à la loi sur l’immigration, Marine Le Pen oblige la majorité présidentielle à voter avec les LR et le RN. Et provoque une fracture au sein de la macronie
Un piège. En annonçant que le Rassemblement national allait voter la loi sur l’immigration, Marine Le Pen peut affirmer qu’il s’agit pour elle d’une « victoire idéologique » qui accorde enfin la « préférence nationale » qu’elle appelle de ses vœux depuis si longtemps.
La macronie panique. Depuis plusieurs jours, de nombreux députés de la majorité s’opposent à un texte décidément trop à droite, qui supprime le droit du sol, instaure les quotas migratoires, restreint le droit d’asile. Sacha Houlié, Président de la Commission mixte paritaire, et Gilles Legendre ont déjà annoncé qu’ils ne voteraient pas le texte. Mais avec la prise de position de Marine Le Pen, au-delà de l’ultra-droitisation du texte jugée inacceptable, certains au sein de la majorité refusent de mêler leurs voix à celles du Rassemblement National, désigné depuis l’élection d’Emmanuel Macron comme l’ennemi à abattre.
C’est pourquoi, dans la soirée, lors du vote de la loi, il va manquer 59 voix de la majorité, près du quart de ses députés : 27 d’entre eux voteront contre (20 Renaissance, 5 Modem, 2 Horizons), et 32 s’abstiendront.
Emmanuel Macron a réussi à limiter le désastre, mais tout de même. Il a mis sous pression les chefs des groupes parlementaires en les convoquant pour une réunion de crise à l’Élysée. Il leur a promis que le vote serait réitéré au cas où les voix du RN se révélaient nécessaires pour que la loi soit adoptée. Il n’a qu’en partie convaincu le Modem de François Bayrou, dont le tiers des députés fera défection, leur sensibilité démocrate-chrétienne s’accommodant mal du « retour de la droite Pasqua » qui maltraite les migrants.
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Pendant ce temps-là, Elisabeth Borne reçoit à Matignon tour à tour les six ministres qui menacent de quitter le gouvernement : Rima Abdul Malak (Culture), Roland Lescure (Industrie), Clément Beaune (Transports), Patrice Vergriete (Logement), Sylvie Retailleau (Enseignement Supérieur) et surtout Aurélien Rousseau (Santé) qui lui remet sa démission.
Après le vote favorable du Sénat, c’est Gérald Darmanin qui va reprendre à l’Assemblée Nationale le flambeau qu’il avait dû céder à Élisabeth Borne pour défendre la loi : « Madame Le Pen, vos sénateurs ont voté contre le texte du Sénat. Désormais vous votez pour. Pour qui nous prenez-vous ? » Avant de prendre le risque : « Ce texte sera décompté sans les voix du Rassemblement National. Il n’y aura pas de texte s’il n’y a pas de majorité sans le RN. Ça s’appelle le sens de l’honneur ».
À 23 h 20, la loi sur l’immigration est adoptée avec 349 voix pour et 186 voix contre. Sans les députés du Rassemblement National, il reste un vote favorable de 261 voix, à 7 voix de la majorité absolue. L’avance est confortable, la stratégie de droitisation de la loi a fonctionné, et la peur de laisser tout le bénéfice au RN a finalement mobilisé la majorité.
Gérald Darmanin jubile. Il récupère personnellement le profit de la semaine infernale qu’Elisabeth Borne a passée pour faire s’entendre entre eux les 7 députés et 7 sénateurs de la Commission mixte paritaire.
Reste que pour la première fois, le Rassemblement national, les Républicains et la majorité présidentielle ont voté à l’unisson. Un vote de trahison pour beaucoup de macronistes, le « En même temps » qui a explosé en vol et une majorité présidentielle fracturée, par les frondeurs de la gauche de la Macronie.