Immigration : la méthode Darmanin

par Valérie Lecasble |  publié le 27/06/2023

De retour de Mayotte, Gérald Darmanin affirme avoir fait reculer une immigration hors de contrôle. Façon de tester les recettes qu’il proposera à toute la France à l’automne. Décryptage

Gerald Darmanin à Mayotte- Photo Chafion MADI / AFP

A Mayotte, selon Gérald Darmanin, tout va mieux et l’opération Wuambushu, qu’il a lancée pour débarrasser l’île de la criminalité, serait en train de porter ses fruits. Destruction des bidonvilles insalubres, score inégalé de 70 % de l’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), arrestation de 47 « chefs de bande », reflux des immigrés comoriens et lutte contre le trafic de drogue et la mafia locale, tout serait en train de tendre vers un retour à la normale.

Mayotte, assure-t-il, sera le symbole de son efficacité. Pacifier Mayotte, c’est réconcilier le pays tout entier. Un sésame politique qui pourrait lui ouvrir la porte de Matignon. L’immigration. Avec Emmanuel Macron, ils sont tous les deux convaincus que là réside le cœur de leur lutte contre le Rassemblement National.

À l’origine, on le sait, le projet Darmanin devait reposer sur deux piliers, l’un sur la sécurité avec le renforcement des mesures destinées à expulser les étrangers délinquants, l’autre, social, pour régulariser les sans-papiers dans les métiers dits sous tension (hôtellerie, restauration, BTP..). Un projet, somme toute équilibré, mais retardé pour cause de révolte contre les retraites.

Le projet est malheureusement relancé… par le trio des Républicains Ciotti, Retailleau et Marleix. Plus un mot sur le social, mais un sérieux durcissement du pack sécurité avec, en prime, de grosses entorses aux règles européennes. Inacceptable pour la Macronie.

Mayotte, pour Darmanin, est l’annonce d’une nouvelle méthode. Pour répondre aux Républicains, il n’y aura pas de nouveau projet de loi sur l’immigration, mais la simple reprise du « texte tel qu’il avait été discuté et amendé par la commission des lois du Sénat ». Un projet « discuté au lendemain des élections sénatoriales », donc en octobre prochain, avec le président Gérard Larcher. D’abord au Sénat puis à l’Assemblée nationale.

Ce texte est une deuxième version du projet Darmanin qui inclut les 71 amendements de la commission des lois du Sénat avec pour objectif de remédier « au caractère trop timoré du texte du Gouvernement ». Comment ? Grâce à la mise en place de quotas migratoires, au resserrement des critères du regroupement familial, au renforcement du contrôle de l’immigration étudiante.

En concédant une aide médicale uniquement d’urgence pour les immigrés. Mais sans oublier les restrictions de visas, la rétorsion à l’aide au développement pour les pays qui n’accepteront pas de récupérer leurs ressortissants délinquants et la radiation de la Sécurité Sociale et de Plein emploi des étrangers sous le coup d’une OQTF.
Pas moins!

Un cocktail, au final, pas si éloigné des recettes des LR, mais sans les mesures dérogeant aux règles européennes, la ligne rouge fixée par la Macronie.
Où est passé le volet social du projet de loi initial ? Combattu par les sénateurs de droite, il a été sauvé in extremis par les UDI-centristes. Pour l’instant.

La question clé est désormais de savoir s’il survivra à la discussion à l’automne au sein des deux assemblées. Rien n’est moins sûr tant est féroce la détermination des LR à l’éradiquer.

Pendant que l’opinion publique a droit au grand spectacle de Mayotte, martyrisée, mais libérée, Gérald Darmanin a bien l’intention de faire passer la loi sur l’immigration la plus dure que la France n’ait jamais adoptée.
Selon la méthode Darmanin. Connue aussi sous le terme de grosse ficelle politique.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique