Immigration : le débat vicié
La droite a défiguré le projet initial du gouvernement par ses amendements xénophobes. Du coup la discussion a dégénéré en un pugilat aux connotations antirépublicaines.
Désastreuse valse-hésitation sur le projet de loi immigration. Le gouvernement avait un texte, mais il court après la droite pour obtenir une majorité à l’Assemblée, laquelle court après le Rassemblement national pour tenter de récupérer ses électeurs perdus. Du coup, le projet est sans cesse renégocié, remanié, marchandé pour tenter de résoudre cette quadrature du cercle anti-immigration, sous les quolibets goguenards des lepénistes.
Une certitude à ce stade : les amendements de la droite sont inacceptables pour tout humaniste. Refus de toute régularisation, remise en cause du droit du sol, restriction du regroupement familial, quasi suppression de l’Aide médicale pour les sans-papiers : la droite républicaine écorne la tradition républicaine dans l’espoir d’amadouer ceux qui n’aiment pas la République ; elle souscrit à l’air du temps qui impute aux étrangers l’essentiel des maux qui affligent les Français, dans un syndrome du bouc émissaire. La gauche a raison de mener sur ce point une bataille culturelle en rappelant que la grande majorité des immigrés ne veulent rien d’autre que trouver leur modeste place au soleil dans la société française, qu’ils forment une bonne partie de ces « travailleurs de première ligne » qu’on louait tant pendant la pandémie de Covid et que s’ils respectent les lois et vivent en bonne intelligence avec le pays d’accueil, ils sont ici chez eux.
Pour autant, cette gauche voit-elle juste en rejetant tout uniment le projet gouvernemental dans sa version initiale ? Pas sûr. Elle réclame la régularisation de tous les sans-papiers et rejette une régularisation partielle. Cette abolition de toute distinction entre ceux qui remplissent les critères d’admission et les autres est-elle raisonnable ? On en doute. En revanche la légalisation des mêmes travailleurs dans les « métiers en tension », telle que le proposait le gouvernement, est un pas dans la bonne direction. Rejeter le projet d’emblée, c’est aussi récuser cette amélioration.
Quant à réclamer une bonne maîtrise de la langue et des valeurs de démocratie française aux candidats au séjour, est-ce une si mauvaise idée ? C’est le défaut d’intégration des immigrés plus que leur nombre qui pose problème. N’est-ce pas les aider que de leur demander un effort initial ? De même, prévoir l’expulsion de ceux qui violent délibérément les lois ou qui représentent un danger pour la sécurité du pays, est-ce contraire à la logique républicaine ? On en doute tout autant.
Au fond, le débat est vicié par les postures politiques des uns et des autres. Il y manque un débat national rationnel, qui pourrait se développer au sein d’une convention citoyenne et déboucher sur un projet d’ensemble qui conjugue accueil, intégration et fermeté sur les critères d’admission. Est-ce un rêve ?