Insoumis : une radicalité incantatoire

par Jacques Treiner |  publié le 10/05/2024

Sans nucléaire, les Insoumis ont tout prévu… sauf une soirée d’hiver, sans soleil et sans vent 

Jacques Treiner

Le Programme pour l’union populaire, présenté en 2022 par Jean-Lu. Mélenchon, annonce la couleur en couverture de son livret thématique sur l’énergie : « 100 % renouvelable : sortir des énergies fossiles et du nucléaire ».

La sortie des combustibles carbonés est doublement motivée : limiter la dérive climatique, et anticiper l’épuisement des ressources. Pour le nucléaire, c’est sa dangerosité qui est invoquée (accidents, déchets), ainsi que le vieillissement du parc et le coût de son entretien. Point important : l’énergie doit être considérée comme un « bien commun » relevant d’une planification écologique. Le tarif de l’énergie doit ainsi être fixé par la représentation nationale.

Pour la mise en place, le maître-mot est de diminuer la consommation d’énergie : trois fois moins en 2050, « sans perte de service ou de qualité » (?!), en s’appuyant sur le couple sobriété/efficacité. Efficacité = produire le même bien/service avec moins d’énergie ; sobriété : consommer moins de biens/services.

Cette réduction drastique est directement reliée au choix de se priver du nucléaire. En effet, le développement de l’éolien et du solaire a ses limites : à l’échelle 2050, le scénario multiplie par plus de deux le nombre d’éoliennes installées et par environ dix la contribution du solaire, le total correspondant à peu près la production électrique d’aujourd’hui.

Or cette production (y compris l’hydroélectricité) doit maintenant assurer le fonctionnement de tous les secteurs d’activité (car pétrole et gaz sont abandonnés), alors qu’aujourd’hui, l’électricité ne représente que 20 % de l’énergie finale consommée. D’où la nécessité de réduire fortement les besoins en énergie, quitte à sérieusement mettre en doute la faisabilité du scénario !

Un exemple : il est annoncé que le nombre de rénovations thermiques va passer de 33 000 aujourd’hui à 800 000 en 2030 (6 ans !). Or, lorsque F. Hollande arrive au pouvoir, il annonce un objectif de 500 000 rénovations par an à la fin de son mandat. Résultat atteint : moins de 100 000. Pourquoi un tel échec ? Sans explication, on demeure dubitatif devant l’étrange démarche consistant à remplacer un objectif non tenu par un objectif… plus ambitieux encore !

Autres exemples : la voiture électrique, dont le développement doit être limité… pour ne pas trop accroître la demande d’électricité – ce qui pourrait s’appliquer également aux pompes à chaleur (excellentes pour décarboner le chauffage des bâtiments), qui fonctionnent également à l’électricité.

Mais le grand silence concerne la gestion de la variabilité : le solaire donne 4 fois moins en hiver qu’en été (2 pour la durée du jour, 2 pour l’ensoleillement), l’éolien donne seulement 2 fois plus, comment gère-t-on ce déficit inter-saisonnier ? Mystère. Citer l’hydrogène sans évaluer l’électricité nécessaire pour le produire est purement incantatoire. Et que fait-on par une soirée d’hiver sans vent, on arrête tout ?

Jacques Treiner

Chroniqueur scientifique