Institutions : halte au concours Lépine
La raison voudrait qu’on ne touche en rien aux textes fondateurs de la Ve République… à condition d’en respecter pleinement l’esprit.
La situation politique du pays conduit à une grande confusion dans le débat sur nos institutions. Deux clans s’opposent : le premier fait l’éloge du compromis, au risque de verser dans la compromission, le second promeut l’autorité, au risque de tomber dans l’autoritarisme. Nos observateurs en droit public s’agitent. Comme le disait un personnage de Pagnol : il faut se méfier des gens qui vendent des outils sans jamais avoir à s’en servir.
De toute part, on entend aujourd’hui l’éloge du consensus, des coalitions, des majorités d’idées, du juste milieu. Avec à la clé, le retour au scrutin proportionnel. Pourquoi pas ? Mais n’est-ce pas oublier un peu vite les illusions du « en même temps », l’immobilisme congénital des centristes et les impasses de la Quatrième République ? Avec l’expérience du pouvoir, un ancien Président a dit un jour que son rôle ne se limitait pas à observer les grenouilles s’agiter dans leur marre.
« Ne jamais toucher aux lois que d’une main tremblante » (Montesquieu)
De l’autre point de vue s’expriment un besoin de sécurité, une demande d’État. Elle s’explique par la complexité du monde et les angoisses de notre société. Et c’est un fait : sur une mer à nouveau dangereuse, l’opinion réclame confusément une main ferme sur le gouvernail. Mais n’est-ce pas la porte ouverte à moins de liberté, voire de démocratie ? N’est-ce pas la pente glissante vers un régime illibéral, ce que d’ailleurs certains appellent de leurs vœux, à la droite de la droite ?
Les observateurs se divisent, la confusion s’installe. Et chacun cherche une solution dans une réforme des institutions. En oubliant ce que recommandait Montesquieu : « Ne jamais toucher aux lois que d’une main tremblante ».
Au contraire de ce que préconisent les amateurs de bricolage, la raison voudrait pourtant qu’on ne touche en rien aux textes fondateurs de la Ve République. À condition d’en respecter pleinement l’esprit. C’est à dire un Président au-dessus de la mêlée, qui ait la charge de l’essentiel, à long terme, garant des intérêts fondamentaux de la Nation, mais qui garde de la hauteur et cesse de s’occuper de tout frénétiquement pour plaire aux médias. Avec, à ses côtés, un chef de l’exécutif en charge de conduire la politique du pays au quotidien, mais responsable devant un Parlement élu au suffrage majoritaire. Bref ce que voulait le Général de Gaulle dans son discours de Bayeux.
En disant cela, on voit bien en quoi la pratique de ces dernières années doit être revue de fond en comble. On voit aussi que les textes ne valent que ce que vaut leur mise en œuvre. Bref, en matière d’institutions, il faut prendre à contrepied la devise du comte de Lampedusa, c’est-à-dire ne rien changer dans les textes pour que tout change dans la pratique.