Iran: la vengeance des mollahs

par Jean-Paul Mari |  publié le 23/04/2023

Une fois la situation reprise en main et l’ordre rétabli, alors que le monde regarde ailleurs, le régime de Téhéran a décidé de faire payer ses frondeurs. Durement.

Photo by Morteza Nikoubazl/NurPhoto

On peut faire toutes sortes de reproches au régime des mollahs au pouvoir à Téhéran sauf celui de l’inconstance. Pendant des mois, ils ont assisté au spectacle des hommes et des femmes de ce pays qui les ont défiés en tenant la rue, ces Iraniennes chantant et dansant, en brûlant leurs voiles. Et ils ont encaissé sans broncher la condamnation unanime de la communauté internationale et fait le gros dos devant les rues de Téhéran

La révolte s’est engluée dans le sang : 537 manifestants tués depuis le début des manifestations mi-septembre, dont 48 femmes et 68 enfants. En 2022, 582 personnes ont été exécutées, soit une hausse de 75%, une machine à tuer visant à instiller la peur. Qui ne se souvient du dernier mot de Mohammad Mehdi Karami – « Ne le dis pas à maman » – jeune homme de 24 ans, champion de karaté ? C’était juste avant son exécution par pendaison en janvier dernier pour avoir tué un membre des forces paramilitaires iraniennes.

Aujourd’hui, les mollahs ont lancé une nouvelle offensive pour aller extirper le « mal », cette soif de liberté, dans les moindres recoins de la société. On pend les hommes et on pourchasse les femmes. Les mollahs n’ont rien oublié.

Caméras de surveillance et reconnaissance faciale pour repérer les récalcitrantes

Depuis la mi-avril, plus de 3500 SMS d’avertissement ont été envoyés à des commerces, restaurants, cafés, centres commerciaux, pour exiger le respect du port du voile pour les employés et les clientes. Siavosh Ghazi, correspondant de RFI à Téhéran et observateur précis, rapporte que 150 magasins et restaurants ont été fermés pour non-respect du voile. Le nouveau plan de la police utilise des caméras de surveillance et la reconnaissance faciale pour repérer les récalcitrantes.

Les sanctions sont immédiates: « Aujourd’hui, alors que notre café n’était pas ouvert, la police a mis sur la devanture comme quoi l’établissement était interdit d’ouverture », dit un propriétaire de café à Téhéran.

La province n’est pas épargnée où des restaurants connaissent le même sort : « Sans aucun avertissement, des officiers sont entrés dans notre restaurant et l’ont fermé pour non-respect du voile islamique », dit un propriétaire du sud du pays.


Dans les prisons, on pend les hommes, dans la rue, on pourchasse les femmes

Chaque commerce doit s’engager à faire respecter le port du voile par les clientes. Ou ne refuser de les servir. Dans les centres commerciaux, des agents de sécurité empêchent l’entrée des femmes non voilées. Celles qui persistent sont refoulées, doivent payer une amende ou sont privées de certains services sociaux.

Dans les prisons, on pend les hommes. Dans la rue, les magasins, au travail, on pourchasse les femmes. Pour leur faire payer l’insulte suprême, leur audace infinie, celle d’avoir osé dire non à la vie cloîtrée dans un voile.
Non, les mollahs n’oublient rien.
Et l’heure est à la revanche des religieux.

Jean-Paul Mari