Israël : Donald Netanyahou

par Pierre Benoit |  publié le 24/03/2025

Depuis la reprise des bombardements sur Gaza, le 10 mars, le climat a changé en Israël. A Haïfa, Jérusalem, Tel Aviv, dans les villes moyennes, des dizaines de milliers d’israéliens manifestent leur colère.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'adresse à une réunion conjointe du Congrès américain à la Chambre des représentants des États-Unis. Capitole le 3 mars 2015 à Washington. (Photo Wim MCNAMEE / Getty Images via AFP)

Ils ne réclament plus seulement le retour des otages et la fin de la politique de la terre brûlée sur l’enclave palestinienne. Ils manifestent pour le respect de l’état de droit en Israël alors que le premier ministre Netanyahou veut limoger, contre l’avis de la Cour Suprême, le patron du Shin Beth, Ronen Bar.

Dès les premiers bombardements sur Gaza, les familles des otages ont vite compris que le gouvernement avait mis une croix sur les 58 captifs encore aux mains du Hamas, dont 34 au moins sont déjà décédés selon l’armée israélienne. Ce qui frappe c’est l’extraordinaire diversité des manifestants, des familles avec leurs enfants, toutes les classes d’âge dans les rues contre la volonté Netanyahou de saper les bases du régime.

Pour justifier sa volonté de se débarrasser du chef des services de renseignement intérieur, le Premier ministre invoque une simple « perte de confiance professionnelle ». Personne n’y croit. Ancien officier d’une unité d’élite, Ronen Bar a surtout eu le malheur de critiquer la reprise des bombardements sur Gaza.

Le Shin Bet enquête aussi sur les liens éventuels entre certains de ses collaborateurs avec le Qatar. La presse israélienne parle de « Qatargate ». Les enquêtes évoquent un soutien au Hamas. Et puis le rapport du Shin Beth sur les nombreuses failles du gouvernement dans l’attaque terroriste du 7 octobre empoisonne Netanyahou depuis des mois.

L’annonce du limogeage de Ronen Bar est devenue une affaire nationale, provoquant une mobilisation populaire comparables à celles de 2023. Il a suffi d’un référé de la Cour Suprême pour bloquer son licenciement. Sauf que Netanyahou a renchéri annonçant qu’il ne respectera pas l’obligation induite par ce référé. Dans la foulée il s’en est pris à la procureure générale Gali Baharav-Miara qui peut bloquer le recrutement d’un éventuel successeur à Ronen Bar. La procureure générale a pour mission d’être la juge de paix de la démocratie, la voilà frappée d’une motion de censure par le gouvernement. Les ministres suprémacistes de la coalition gouvernementale ont demandé qu’elle soit « renvoyée à la maison où elle a sans doute des tâches à faire ».

Cette mise en cause de l’indépendance de la justice n’est pas nouvelle chez Netanyahou. Depuis qu’il est revenu aux affaires en 2022 avec une coalition d’extrême-droite portée par des petites formations suprémacistes, il veut rogner les pouvoirs de la Cour suprême, bâtir un régime « illibéral ». Il semble déterminé à aller jusqu’au bout : il se dit prêt à envoyer la police pour appréhender les deux fonctionnaires en dépit de l’avis de la Cour suprême. Aharon Barak, l’ancien président de cette même Cour, lui a répondu que ce type de décision pouvait faire basculer le pays dans « une guerre civile ». Avec la grève générale qui s’annonce, on saura vite si le pays parvient à ce point de bascule.

De nombreux commentateurs parlent d’un « effet Trump ». La façon dont le patron de la Maison-Blanche affronte les juges dans les affaires d’expulsion de migrants comme dans les licenciements massifs de fonctionnaires fascine le premier ministre israélien.

Les deux hommes se connaissent depuis la fin des années 1980 lorsque Netanyahou était ambassadeur d’Israël auprès des Nations-Unies. Leur proximité idéologique n’est plus à prouver. Lors de son premier mandat, Donald Trump (2017-2021) avait fait transférer l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem alors que l’Onu considère que la partie Est de la ville est sous occupation…

A l’issue du passage de Netanyahou à Washington, en février, Trump a évoqué Gaza comme un site de démolition à reconstruire après le départ des Gazaouis qui seraient dispersés dans les pays arabes. Tel un poison, cette perspective de nettoyage ethnique a fait toute seule du chemin comme le note avec amertume l’écrivain israélien Dror Mishani : « La réaction des israéliens aux idées de Trump a été horrifiante : la très vaste majorité pense que le déplacement de la population palestinienne hors de Gaza serait une bonne idée. J’ai peur que, même si le président américain change d’opinion, l’idée n’ait pris racine dans l’esprit des Israéliens ».

Pierre Benoit