Giorgia Meloni veut faire taire les médias publics    

par Marcelle Padovani |  publié le 17/05/2024

Le gouvernement intervient dans des émissions de la RAI pour imposer une idéologie nationaliste. L’extrême-droite au pouvoir…

Giorgia Meloni, interviewée sur la RAI- Photo Mauro Fagiani / NurPhoto

« Qu’est-ce tu fais de beau ce soir ? Tu regardes Télé Meloni ? » C’est la blague des bobos du Trastevere, le quartier branché de Rome pour évoquer la dérive accélérée de la politique culturelle italienne, dont la RAI (Télé publique) est devenue l’exemple principal. Avec une Giorgia Meloni en chef d’orchestre, qui se proclame par ailleurs « femme, mère, Italienne et chrétienne ». En bonne nationaliste, la présidente du conseil s’oppose aux sociétés multiculturelles qui « privent le pays de son identité ». Elle propose un « blocus naval au cœur de la Méditerranée » contre l’immigration. Elle refuse la prédication dans les mosquées « dans une langue autre que l’italien ». Une vraie profession de foi.

Premier épisode. Ces mêmes trastévérins et  d’autres citoyens romains ont manifesté, le 16 mai, devant le siège de la RAI, pour « une vraie liberté de l’information ». En rappelant l’« affaire Scurati » ,  qui éclata le 25 avril dernier, jour de commémoration de la libération du nazi fasciste. Antonio Scurati, célèbre historien du « mussolinisme », devait lire sur les chaines de la RAI un texte antifasciste. Son émission a été supprimée au dernier moment sur ordre de la direction. Un « tournant anti-libéral », ont dénoncé  de nombreux médias. « Mais pour qui travaille le service public ? » a interrogé l’écrivain Maurizio de Giovanni.

Deuxième épisode. L’« affaire Roccella » du nom de la ministre de la Famille. Il devait fêter les « États généraux de la natalité » le 10 mai en dénonçant publiquement la « propension des féministes pour l’avortement ». Ces féministes n’ont pas aimé du tout et ont chahuté Eugenia Roccella. Laquelle a rangé son sac à main et pris la porte, tandis que la police dispersait les « fans de l’avortement », auxquelles il a été rappelé que tout désaccord institutionnel était passible de… prison au nom des dispositions pénales sur « les associations de malfaiteurs » ?  

Troisième épisode. On apprend incidemment, il y a une dizaine de jours, que la chef du gouvernement italien pousse la société semi-publique ENI à vendre l’Agence de presse AGI, qui est indépendante, à un député de la Ligue ami de Matteo Salvini.

Quatrième épisode : « Hitler avait raison. Vous autres communistes vous réécrivez l’histoire ». C’est avec ces mots que le jeune écrivain Stefano Massini a été agressé au salon de Livre de Turin alors qu’il présentait son livre « Mein Kampf, par Adolf Hitler ».

L’exécutif Meloni cherche donc clairement, à populariser une nouvelle ligne médiatique et culturelle. Moins pluraliste. Franchement orientée à l’extrême-droite. C’est ce que l’historien Carlo Galli appelle « la voie italienne vers la post-démocratie » dans son livre « La droite au pouvoir ». Il ne s’agit pas selon lui d’une réédition même partielle du fascisme .  Son collègue catholique Franco Cardini est encore plus net : « Aucun problème de démocrature », dit cet homme, « au pire on pourrait soutenir qu’il s’agit d’un nouveau produit du laboratoire italien : un “pluralisme boiteux” ».

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome