Italie: l’université en folie

par Marcelle Padovani |  publié le 05/04/2024

 

De Pise à Palerme, des étudiants  réclament la fin des collaborations avec les facs israéliennes « complices du génocide en cours ». Sous l’œil éberlué des médias

Des étudiants descendent dans les rues de Rome, en Italie, à l'occasion de la Journée internationale des étudiants -Photo by Andrea Ronchini/NurPhoto

La célèbre statue de Cosme de Medicis salue sur la piazza dei Cavalieri à la fois la fatidique « Tour penchée de Pise »  et l’illustre « Normale », l’école normale supérieure du même nom, un des temples universitaires de la péninsule, fondé par Napoléon en 1810. Aujourd’hui on parle d’eux non pour célébrer leur beauté architecturale ou leur magistère intellectuel, mais parce que Pise est devenue le leader du boycott d’Israël en tant que partenaire culturel.

Tout commence le 26 mars avec une motion du Sénat académique de la « Normale » qui demande au ministère des Affaires étrangères de « reconsidérer les concours de coopération scientifique, industrielle et technologique avec Israël ». Car dans ce pays, les universités seraient des « complices du génocide en cours ». En somme, l’arrêt de toute collaboration est réclamé. Et puisque la date limite pour la mise en route des concours est fixée au 10 avril, une semaine de mobilisation est décrétée à partir du 3, avec manifs, cortèges, occupation de facultés, et tout ce qu’il faut de banderoles – « solidarité avec le peuple palestinien », « non à la complicité du monde universitaire et de l’ exécutif Netanyahou ». 

C’est ainsi que débute une litanie de sit-in , débordements , affrontements avec la police et attroupements anti israéliens , toujours autour des universités, de Turin à Reggio de Calabre en passant par Pise, Palerme, Rome et Bari. A Turin une motion du Sénat académique préconise le « boycott de toute collaboration scientifique avec les universités et les instituts de recherche d’Israël ». Suivra l’occupation des instituts techniques accusés par les étudiants de « collaborer avec des entreprises de l’industrie de guerre », tels la « Marine militaire, l’OTAN et les universités israéliennes ».

Une tempête pacifiste anti-Netanyahou s’est donc mise en marche , avec des slogans comme « Fin du génocide des Palestiniens », « La Palestine n’est pas une prison à ciel ouvert », et la dénonciation d’une « tragédie humanitaire » due à toutes les formes de « collaboration avec la guerre ». Les complices d’Israël se nicheraient donc dans les universités. Évidemment.

Réaction effarée immédiate dans les médias d’un certain nombre d’intellectuels : la bourrasque isolationniste qui agite aujourd’hui le monde étudiant serait en fait du « pur et simple antisémitisme ».  Réaction identique dans la communauté juive italienne. Même si, ni les uns ni les autres ne sont parvenus pour l’instant à renverser la vapeur. Mais les plus perplexes devant cette tempête universitaire sont probablement les historiens. Ceux qui ont ausculté pendant près d’un demi-siècle la fourmilière toujours agitée de l’univers étudiant péninsulaire, et ont diagnostiqué un risque terroriste récurrent.

En pensant particulièrement aux fameuses Brigades rouges , ce groupe armé qui terrorisa l’Italie de 1970 à 1982, occasionnant plus de 80 assassinats, et qui était né au cœur de l’Université de Trente, dans la tête d’un étudiant en sociologie, nommé Renato Curcio. 

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome