Vladimir le Terrible

par Pierre Feydel |  publié le 26/04/2024

La « tsarmania » de Poutine voudrait qu’il se réfère à Pierre 1er ou à Catherine II, tournés vers l’Occident. Hélas, il paraît plus proche du plus cruel : Ivan IV

D.R

Ivan Vassiliévitch est sacré Tsar de toutes les Russies, le 16 janvier 1547. Il a 17 ans. Il est le premier à porter le titre. En France, accède au trône Henri II, le fils de François 1er. En Angleterre, Henri VIII s’éteint quelques jours plus tard. Charles Quint règne sur son empire. L’Occident chrétien est tout entier absorbé par ses propres mutations la Réforme, la Renaissance… La Russie, au loin, apparaît comme une contrée semi-barbare, aux portes de l’Asie.

L’enfance d’Ivan a été difficile. Sa mère Helena, régente après la disparition de son père, est morte, peut être empoisonnée. Différentes factions de la famille prennent alors le pouvoir. Ivan a raconté comment avec son frère Iouri, ils ont été élevés « dans la misère et la honte ». Vêtus de haillons, ils ont eu faim, très faim. Est-ce ces épreuves qui feront de ce prince martyrisé un personnage au psychisme fragile, cyclothymique et paranoïaque ?

La Moscovie a quadruplé sa surface lorsqu’il arrive au pouvoir. Elle va encore le doubler sous son règne. Vers l’Est, elle colonise la Sibérie. Vers le sud, elle conquiert Kazan et Astrahan. Vers l’Ouest, c’est plus compliqué. La guerre de Livonie, région qui englobe la Lettonie et l’Estonie durera de 1558 à 1583, 25 ans. En fin de compte, l’alliance de la Suède, de la Pologne et de la Lituanie obligera Ivan IV à traiter. La Russie apparaît déjà un espace aux confins illimités que seule la force contraint.

Conquérant pas toujours couronné de succès, le tsar a commencé par moderniser son pays. Il utilise des hommes du peuple, plutôt que des boyards dont il se méfie. Il établit un code de loi, réorganise le clergé, créée le corps des « streltsy » sa garde personnelle. Il installe même un conseil de nobles consultés pour les grandes décisions. Pour la première fois en Russie, une presse à imprimer arrive jusqu’à Moscou.

En 1560, à la mort de sa femme que le tsar suppose empoisonnée par les boyards, le régime sombre dans la pire violence. Les « opritchnicki » de sa police spéciale font régner la terreur. En 1567, il soupçonne un complot qui provoque une terrible campagne de répression. Le souverain destitue le métropolite de Moscou qui ose le critiquer. Emprisonné, le prélat orthodoxe sera plus tard assassiné sur ordre du souverain. Il écrase les Tatars de Crimée qui ont osé envahir Moscou.

Il massacre la population de Novgorod qu’il soupçonne de comploter contre lui. Des milliers d’habitants sont tués avec des raffinements de cruauté. En 1581, il frappe mortellement son fils Ivan Ivanovitch de son sceptre alors que ce dernier tente de protéger sa troisième femme qui avait eu le malheur de provoquer la colère du despote.

Le 18 mars1584, lors d’une partie d’échecs, Ivan le Terrible s’effondre. Empoisonné lui aussi ? Le mystère demeure. Gilles Fletcher l’ancien, ambassadeur de la reine d’Angleterre, Élisabeth Ire note à propos du pouvoir russe : « ce gouvernement est une tyrannie pure et simple, car il subordonne toutes choses à l’intérêt du prince et en cela, de la manière la plus barbare et la plus ouverte ». Un jugement très actuel.

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Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire