IVG-Constitution : c’est pas gagné…

par Valérie Lecasble |  publié le 24/01/2024

Pour protéger le droit à l’avortement, Emmanuel Macron veut l’inscrire dans la Constitution. Un compromis a été trouvé, en discussion le 24 janvier à l’Assemblée Nationale. Mais Gérard Larcher, président du Sénat vient tout bousculer

France, Paris, 2024-01-22, ivg, droit -Photographie Magali Cohen / Hans Lucas

Ce devait être une formalité, cela pourrait devenir un nouveau cheval de bataille pour l’opposition. En France, depuis l’adoption en 1975 de la loi Simone Veil, l’avortement n’a plus été un sujet d’affrontement. Ainsi, le délai légal pour avoir recours à l’avortement est passé récemment de 12 à 14 semaines, sans provoquer de forte opposition. Et le rythme des avortements est en constante augmentation : 234 000 IVG ont été pratiquées en 2022, soit le plus haut niveau depuis 1990. Une tendance que l’on retrouve dans le monde où l’on estime qu’une grossesse sur quatre se termine par un avortement. Même en Pologne, l’un des pays jusque-là les plus restrictifs, la récente victoire de la gauche aux élections, apporte une perspective d’apaisement.

Pourquoi donc en France cette volonté d’inscrire la liberté de l’avortement dans la Constitution ? L’idée de protéger l’IVG a fait son chemin depuis la décision de la Cour Suprême des États-Unis le 24 juin 2022, d’annuler un arrêt fédéral dit Roe vs Wade qui garantissait depuis 1973 le droit d’avorter dans l’ensemble des États-Unis. Depuis cette date, quatorze États américains (dont le Texas, la Louisiane, et le Mississippi) ont choisi d’empêcher chez eux tout avortement, venant ainsi grossir les rangs des 22 pays où l’IVG est déjà totalement interdite comme Malte, Andorre et le Vatican en Europe, ou encore la plupart des pays d’Afrique dont le Maroc et l’Algérie.

40 000 femmes décèdent chaque année d’avortements clandestins et … 642 millions vivent dans un pays où l’avortement est restreint, ou ont en recul comme la Pologne, la Bolivie, le Pérou ou encore le Brésil. L’élection de Javier Milei qui a fait campagne contre l’avortement a ouvert une nouvelle menace en Argentine.

C’est donc afin d’éviter tout type de dérive réactionnaire concernant ce droit essentiel des femmes en cas de victoire du Rassemblement national qu’Emmanuel Macron a eu l’idée de l’inscrire dans la Constitution bien plus difficile à modifier qu’une loi classique. La France est le premier pays au monde à porter un tel projet.

Les féministes préfèrent le terme « droit » qui inclut l’obligation à celui de « liberté », une simple capacité. Mais un compromis a fini par se dégager pour retenir le terme « liberté garantie » qui s’applique aussi dans la Constitution aux libertés de la presse, religieuse, d’enseignement ou de réunion.

Sauf qu’usant de sa prérogative de troisième personnage de l’État, garant des principes de la Constitution, Gérard Larcher vient de tout bousculer en déclarant qu’en France, l’IVG n’est pas menacée. « La Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux », martèle-t-il. Puisqu’il contrôle la majorité du Sénat, cette position obère les chances d’obtenir l’indispensable majorité des 3/5e des députés et sénateurs qui doivent se réunir en Congrès le 5 mars prochain. Une occasion manquée pour les femmes ?  

Valérie Lecasble

Editorialiste politique