IVG : sans garantie du Sénat…

par Valérie Lecasble |  publié le 27/02/2024

Le président veut inscrire l’IVG dans la constitution, l’Assemblée a dit oui, le Sénat mine le terrain

Gerard Larcher, président du Senat, membre du groupe Les Republicains, LR, parti de droite - Photo Xose Bouzas / Hans Lucas

C’est un petit mot qui divise, celui de « garantie ». Trois jours seulement avant le vote de ce mercredi 28 février au Sénat qui doit entériner l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, le sénateur de droite, Philippe Bas, a déposé un amendement pour le supprimer. En jeu, la « liberté garantie », qui se situe à mi-chemin entre le « droit » à avorter que réclament les féministes pour conquérir une obligation et la « liberté », qui laissait aux femmes une simple capacité.

Au dernier moment, ce sénateur LR d’expérience, membre de la Commission des Lois, décrète donc que cette « liberté garantie » comporterait deux menaces : la possibilité pour les femmes de dépasser le délai légal de 14 semaines de grossesse pour se faire avorter et l’impossibilité pour les médecins d’opposer leur droit de retrait s’ils ne souhaitent pas pratiquer d’IVG.

Voilà de quoi semer le doute sur le souhait véritable des sénateurs d’aller au bout de l’inscription de l’IVG dans la Constitution.

En janvier, Gérard Larcher, le président du Sénat, s’y était d’ailleurs publiquement opposé, suivi par Bruno Retailleau, leader du groupe LR. Si, depuis, la majorité sénatoriale a semblé vouloir apaiser le débat, sous la pression des femmes, conjointes et filles de sénateurs, et si Gérard Larcher vient d’affirmer qu’il se rangerait à la position du Sénat, cette nouvelle péripétie peut inquiéter.

Car pour être adopté, le texte doit être voté exactement… dans les mêmes termes par les deux chambres, Assemblée Nationale et Sénat, avant de recueillir les 3/5e des voix des parlementaires réunis en Congrès, dès le 5 mars. Si l’amendement, demandant la suppression du mot « garantie », était voté, cela hypothèquerait toute possibilité d’une adoption immédiate du texte. Les Républicains ayant laissé la liberté de vote aux sénateurs, l’issue reste incertaine.

Ce couac intervient au moment où CNews a dû s’excuser dans un communiqué lu à l’antenne pour avoir annoncé dans son émission En quête d’esprit que l’avortement avait provoqué 73 millions de morts dans le monde, devant le cancer et le tabac ! Une provocation telle que Laurence Ferrari, l’une des vedettes de la chaîne, s’est crue obligée de se dédouaner en précisant qu’elle était « personnellement » favorable à l’inscription de l’IVG dans la Constitution.

Lire aussi sur LeJournal.info : L’aveu de l’abbé Bolloré, par Laurent Joffrin

La machine législative serait-elle en train de s’enrayer ? Ce chantier a été lancé par Emmanuel Macron pour que la France soit le premier pays au monde à sanctuariser l’IVG. Il se voulait une simple formalité, tant la conquête par Simone Veil, il y a cinquante ans, de la dépénalisation de l’avortement, semblait faire consensus.

In fine, en ouvrant le chantier de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, Macron a ouvert la voie à des oppositions qui, jusque-là, ne s’exprimaient pas. En voulant conforter l’IVG, le chef de l’état risque d’aboutir… au résultat inverse.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique