IVG : un si long combat

par Valérie Lecasble |  publié le 05/03/2024

L’inscription de l’IVG dans la Constitution consacre les avancées obtenues en France par les femmes depuis la loi Simone Veil il y a cinquante ans

Des personnes se sont rassemblées près de la Tour Eiffel, place du Trocadéro à Paris, le 4 mars 2024, pour célébrer l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution française - Photo Adnan Farzat / NurPhoto

Symbole. Pour la première fois , c’est une femme, Yaël Braun-Pivet, qui préside à la tribune dans cette salle fastueuse du Congrès de Versailles. Avant le Premier ministre Gabriel Attal, qui retrace longuement les souffrances et les conquêtes des femmes en France.

Lorsqu’il évoque le nom de Simone Veil, ils se lèvent tous. 925 parlementaires, députés et sénateurs, hommes et femmes, de droite et de gauche, et l’ovationnent. Simone Veil comme l’icône du combat des femmes pour défendre leurs droits, celle qui a obtenu de haute lutte il y a cinquante ans, malgré les insultes , le vote de la loi de dépénalisation de l’avortement qui sera promulguée le 17 janvier 1975.

Long combat. Si une Marianne coiffée d’un bonnet phrygien tricolore est choisie en 1792 pour symboliser la République française et ses valeurs, les femmes devront attendre 1944 et la volonté du général de Gaulle de tourner la page de Vichy et rétablir la République pour obtenir – enfin – le droit de simplement voter. Qui se souvient aujourd’hui qu’il leur a fallu patienter jusqu’en… juillet 1965 pour avoir le droit d’ouvrir un compte en banque et de travailler sans l’autorisation de leur mari.

En 1971, le Nouvel Observateur publie le « Manifeste des 343 salopes », rédigé par Simone de Beauvoir, dans lequel des femmes qui ont avorté dans la clandestinité demandent la dépénalisation de l’avortement. Une année plus tard, l’avocate féministe Gisèle Halimi obtient aux procès de Bobigny, la relaxe de Marie-Claire Chevalier, une adolescente de 17 ans que sa mère Michèle a aidée à avorter après qu’elle a été violée.

À la tribune du Congrès de Versailles, dans l’émotion et le silence, Gabriel Attal évoque Yvette Roudy, qui ouvre le remboursement de l’avortement par la Sécurité sociale, Martine Aubry, qui porte à 12 semaines le délai légal, Marisol Touraine, qui facilite l’accès à l’IVG, Najat Vallaud-Belkacem, qui supprime la notion de détresse, et Laurence Rossignol, qui réprime le délit d’entrave à l’IVG.

Ces femmes, toutes de gauche, héritières du mouvement de libération des femmes, sont applaudies. Gabriel Attal omet de citer l’action pionnière depuis deux ans de l’Insoumise Mathilde Panot, soutenue par l’écologiste Mélanie Vogel, mais il n’oublie pas la Prix Nobel Annie Ernaux, qui avait plaidé la cause de l’avortement dans son livre « l’Enlèvement ».

L’évocation de cette longue conquête justifie à elle seule s’il le fallait l’inscription de la liberté d’avorter dans la Constitution, qui sera votée à une très large majorité de 780 voix pour et seulement 72 contre, dont 50 Les Républicains et 11 RN.

Car si la France a changé, « il suffit d’un instant pour que tout ce que l’on croyait acquis tombe », souligne Gabriel Attal, qui pointe le sort des Américaines, Hongroises et Polonaises dans l’impossibilité d’avorter. Ou des Iraniennes et Afghanes contraintes de porter le voile : « N’oublions jamais ces femmes qui refusent de se soumettre ».

Le combat n’est pas terminé. 130 centres locaux du planning familial restent fermés. Dans certaines régions en France, plus un seul médecin ne pratique l’IVG.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique