J. Bardella-M. Le Pen : L’un cogne, l’autre encaisse

par Yoann Taieb |  publié le 06/07/2023

Dans le chaos des émeutes et d’un débat public enflammé, le RN joue une partition à deux voix. D’un côté, Jordan Bardella le dur. De l’autre, Marine Le Pen la sage, en marche vers la présidentielle

Jordan Bardella, et Marine Le Pen- Photo by Alain JOCARD / AFP

Où est-elle ? Dans le fracas des émeutes, les déclarations des oppositions, celles des ministres ou d’un président qui cherche des solutions, on a eu du mal à entendre la voix Marine Le Pen. Voix qui se fait rare. À peine deux prises de paroles pour demander des mesures sécuritaires plus fortes – son pain quotidien – et dénoncer les comportements irresponsables de LFI, ce que d’autres ont fait avant elle.

Il s’agit moins d’une discrétion naturelle que d’une posture qui vise à la poser en cheffe au-dessus des partis et participe à sa stratégie de dédiabolisation. Une stratégie efficace qui comprend des députés présentables, en cravates, paroles dosées et « responsables », laissant à LFI les claquements de pupitre et le chahut au fond de la classe.

Au beau milieu d’un paysage politique fracturé, une gauche éclatée entre les suiveurs de Jean-Luc Mélenchon et les autres, une droite républicaine sans chef et un Emmanuel Macron accusé de tous les maux., Marine Le Pen cherche à se poser en recours sage.

Pour ne pas être taxée d’immobilisme, elle joue une partition efficace en laissant Jordan Bardella, le président du RN, battre le tambour. Lui, cogne, elle apaise. Omniprésent dans les médias, il enchaîne les propos radicaux, histoire de frapper les esprits.

Pan sur l’extrême-gauche, « LFI est dans le champ des délinquants, des criminels, des émeutiers, des trafiquants de drogue, des communautaristes ». Pan sur la gauche : « la gauche s’est faite la caution des casseurs ». Et petite caresse de ses électeurs dans le sens du poil:« il faut le retour des peines planchers, la fin de l’excuse de minorité pour ceux qui sont capables de tout casser ».

De l’autre côté de la scène, Marine Le Pen, elle ,joue la « république apaisée », en direction des électeurs effrayés par le désordre, en interpellant le gouvernement : « qu’avez-vous fait de la France ? ».

Comme pour valider sa posture, Éric Zemmour et Ciotti rivalisent dans la surenchère sécuritaire. Ciotti revient vers ses thèmes de prédilections que sont la sécurité et la délinquance. Zemmour et Marion Maréchal sont tellement radicaux qu’ils en deviennent inaudibles. En allant jusqu’à proposer la mise en place d’une « présomption irréfragable de légitime défense au domicile, même si cela entraîne la mort ». Rien moins !
Des outrances qui font du bruit, certes, mais pas des dirigeants crédibles. Et Marine Le Pen le sait très bien.

Tout cela construit son récit de la marche vers sa candidature à la présidence de 2027. Elle est celle qui tournera la page du macronisme en utilisant tous les arguments possibles, dont celui des émeutes.
Et, sur le devant de la scène, Bardella le cogneur enfonce le clou dans les médias en assurant que le RN n’aura « pas la main qui tremble » lorsque viendra le temps des responsabilités.

Marine Le Pen n’a jamais été aussi populaire. Elle déjà la 2e personnalité politique préférée des Français et jugée la plus compétente derrière Edouard Philippe. Alors, elle laisse Jordan Bardella faire le coup de poing. Et, pour conforter son image et éviter toute erreur, la cheffe de l’extrême-droite se réserve le rôle de la discrète. La farce est bien réglée.

Yoann Taieb