Javier Milei, faux bouffon mais vrai dictateur
Président de la République argentine depuis le 10 décembre dernier alors qu’on le prenait pour un clown, Javier Milei met en œuvre son programme. Au menu : rigueur, rigueur et rigueur. L’Argentine déchante…
Il était considéré comme trop excentrique, trop incontrôlable. Un amuseur public sans réel avenir. Pourtant, il a été élu avec 55,6 % des suffrages en novembre dernier face aux péronistes au pouvoir depuis des décennies.
Le personnage avait revendiqué dans le passé être partisan de « l’amour libre », comprenez le libertinage, s’être converti au judaïsme, se passionner pour l’occultisme au point de communiquer avec son chien mort grâce à un médium. Il pratique le cosplay qui consiste à se déguiser en personnages de fictions japonaises ou de jeux vidéo. Il pense, très sérieusement, avoir assisté à la Résurrection du Christ. Le problème est que cet illuminé est aujourd’hui à la tête d’un pays en faillite.
La presse l’a dépeint comme un populiste d’extrême droite proche de Trump, Bolsonaro ou Orbàn. Mais l’Argentin, en bon libertarien, croit surtout l’État inutile. Pour lui, seules les entreprises privées ou les associations structurent la société. Elles profitent d’un marché sans réglementation, sans contrôle ni entraves. Milei est assurément : ultralibéral, complètement populiste, absolument climatosceptique, totalement antiavortement, et en gros anti-système. Le système étant toute forme d’action publique.
« Viva la libertad, la puta madre » ( « Vive la liberté, putain ! »), lançait-il aux foules électrisées de ses meetings électoraux. Le temps a passé, l’enthousiasme est retombé et la population découvre à quel point sa politique implique son appauvrissement et une précarisation accélérés.
Le 13 décembre, il a tenu sa première promesse de campagne en dévaluant le peso de plus de 50 %. Résultat, une augmentation de l’inflation des denrées alimentaires de l’ordre de 50 à 100 %. Milei a autorisé les employeurs à payer leurs salariés en… lait et viande de bœuf.
Ensuite, devant la montée des protestations, il a décidé de restreindre le droit à manifester. Le projet de loi proposera même la suppression pure et simple des aides sociales pour les contrevenants et une peine de prison en cas de blocage de la circulation. Or, plus de la moitié des Argentins reçoit des aides sociales. L’intensification de la répression syndicale et des mesures contre la « résistance à l’autorité » s’accompagne d’un assouplissement des règles entourant la légitime défense. Malgré cela, partis politiques et syndicats de gauche ont réussi à faire défiler près de 30 000 manifestants.
Pour faire appliquer plus de 3500 nouvelles normes économiques, Milei entend utiliser un décret de nécessité et d’urgence, qui lui permettra de se passer du Congrès. Mais pour rester dans les formes légales -il ne détient pas encore la majorité au Parlement- il doit négocier avec le centre droit. Ses propositions abrogent l’encadrement des loyers, les freins à la spéculation de la grande distribution. Elles prolongent la période d’essai des salariés de trois à huit mois, modifient les régimes d’indemnisation pour licenciement sans cause en faveur des entreprises.
Est aussi prévue, la résiliation des contrats de travail de 5 000 employés de l’État. Un grand nombre de normes environnementales ont été supprimées, dont celles qui interdisaient les prospections minières dans les zones périglaciaires.
Le « Trump de la pampa » veut avancer vite. Et s’il obtient des accords au Parlement, rien n’empêchera cet admirateur de la dictature militaire qui a ensanglanté l’Argentine de 1976 à 1983, d’imposer sa volonté.