Javier Milei, la victoire du Trump argentin
Vedette des médias en Argentine, l’économiste ultralibéral Javier Milei devient président d’Argentine. Sa recette ? Provocation, populisme, insultes et coups de gueule, plus quelques numéros de cirque dont il a le secret…Et ça marche!
Le candidat antisystème Javier Milei remporte la présidentielle en Argentine
Le chef du parti « La liberté avance » a remporté 56 % des suffrages et vient à bout, avec plus de dix points d’avance, du rival péroniste, Sergio Massa, qui termine avec 44 %. Le 10 décembre prochain, l’Argentine connaîtra un jour historique, à double titre : c’est la fin de la mainmise des péronistes sur le pouvoir et la première fois qu’un libertarien devient chef d’un État.
En succédant à Alberto Fernandez, Javier Milei aura fort à faire puisque les résultats économiques du pays sont catastrophiques avec une inflation de 140 %, un taux de pauvreté de 50 %, une croissance stagnante, des réserves de la banque centrale au plus bas, et un déficit budgétaire abyssal.
Le nouveau président argentin entend prendre très vite des mesures radicales pour sortir de la crise : adoption du dollar à la place du peso, « tronçonner » l’État, supprimer les aides sociales et, entre autres, faire gérer l’école, la santé et l’armée par des entreprises privées…
« Aujourd’hui commence la reconstruction de l’Argentine, a scandé Javier Milei devant ses électeurs. Aujourd’hui commence la fin de la décadence. Le modèle appauvrissant de l’État omniprésent est fini. Aujourd’hui nous embrassons les idées de libertés, celles de nos pères fondateurs »
Nous republions son portrait mis en ligne le 29 octobre dernier :
« Javier Milei: le Trump de la pampa »
« Viva la libertartad, la puta madre » ( « Vive la liberté, putain ! ») crie Javier Milei sur scène devant une foule extatique rassemblée pour écouter celui qui se fait surnommer le « lion » ou la « tronçonneuse ». Le lion ? « Je serai le lion qui rugit au milieu de l’avenue », proclame Milei en secouant ses épaisses rouflaquettes. La tronçonneuse ? Une vraie. Celle qu’il n’hésite pas à brandir pendant ses meetings pour illustrer la façon dont il compte trancher dans le service public et dépiauter l’état, son ennemi.
Adulé par la jeunesse, il sait parler à des électeurs prêts à tout pour sortir des griffes de la crise économique où l’inflation atteint 138 % – +12 % en septembre, – et où 2000 pesos ne valent que 2 euros. Une misère. En six mois, il est devenu la coqueluche réseaux sociaux. Parmi ses partisans, un électorat hétérogène et sans intérêts communs. De jeunes adultes qui n’ont connu que la crise, des classes laborieuses sans espoir, des libéraux diplômés qui entendent récolter les fruits de la mondialisation… A tous, il parle mérite, promet argent et élévation sociale.
Javier Milei affirme qu’il veut « faire du passé table rase », expression au passage volée aux communistes, et imposer son « anarcho-capitalisme ». Quid ? Une doctrine qui dit qu’une société capitaliste, sans État, est économiquement efficace et moralement juste. Tout se vend et s’achète puisque l’État a disparu. Ne restent que les entreprises privées ou associations qui fixent les règles du marché. Adaptez-vous ou disparaissez ! Pour lui, tout vaut mieux que le socialisme. Parmi ses slogans favoris : « les socialistes sont des ordures, des excréments humains ».
Pour rugir, il rugit ! L’homme, en grand admirateur de Trump et du brésilien Bolsonaro mais aussi d’Al Capone, le mafieux américain, qu’il considère comme un héros, a bien appris sa leçon populiste. Dans ses discours, il entend « dégager » la classe politique « corrompue et inefficace » et mettre brutalement fin au peso argentin qu’il méprise pour le remplacer par le dollar. Et qu’importe si tous les économistes du pays prédisent que cette mesure aboutirait à la ruine totale du pays.
Il prévoit aussi, en vrac, de « tronçonner » l’État pour que seules des entreprises privées en gèrent des pans essentiels (école, santé, armée), abolir le droit à l’avortement, autoriser la vente d’organes, fermer le ministère de la Femme et, en bon climatosceptique, ne plus s’occuper de l’environnement puisque « l’homme n’est responsable en rien du changement climatique », pour enfin supprimer toutes les aides sociales puisque « la justice sociale est une aberration qui ne fait que creuser les déficits ».
Ne croyez pas qu’il soit sans cœur. Javier Milei adore les animaux. Son chien mastiff par exemple, qu’il a fait cloner à sa mort. Il aurait même consulté un médium pour rester en contact avec lui. Et il n’hésite pas à mettre son salaire en jeu chaque mois dans une loterie géante diffusée sur You Tube. Succès assuré. Quand il apparaît en public, la foule se presse, en transes, autour du candidat les yeux au ciel, qui s’affirme grand admirateur du judaïsme pour mieux se présenter comme le « Messie ».
Tous les pronostics le donnaient gagnant dès le premier tour de la présidentielle. Patatras ! Il n’a obtenu qu’une seconde place derrière les 37 % du candidat de centre-gauche consensuel. Une douche froide pour le candidat. Ses positions un brin radicales ont apparemment repoussé les électeurs modérés qui craignent un changement brutal et une politique à très court terme. Ceux-ci se sont reportés sur le centre gauche qui propose, certes, des lendemains difficiles, mais présente un candidat rassurant qui semble maîtriser son sujet.
In fine, l’anti-péronisme de Javier Milei, ses outrances et son programme outrancier n’ont pas convaincu assez d’électeurs. Il garde pourtant toutes ses chances pour le second tour, ce 19 novembre prochain. D’autant que le danger est réel puisqu’il vient de recevoir le soutien de la candidate de droite arrivée en troisième position avec 24 % des voix. Aujourd’hui, l’Argentine retient son souffle pendant qu’il continue à brandir sa tronçonneuse… « Viva la libertad, puta madre! »