Jérôme Guedj : le prix de l’indépendance

par Valérie Lecasble |  publié le 12/04/2024

Frondeur un jour, proche puis brouillé avec Mélenchon, hué par des militants du CRIF, parce qu’opposé aux bombardements de Gaza…

Le député français Jérôme Guedj à la cérémonie d'hommage national à Jacques Delors, à l'Hôtel des Invalides à Paris, le 5 janvier 2024- Photo Ludovic MARIN / AFP

Qui est donc le véritable Jérôme Guedj ? Le député frondeur qui refuse de voter la confiance au gouvernement de Manuel Valls sur le pacte de responsabilité qu’il désapprouve. Du coup, le poste de ministre qu’il espère lui échappe. Ou bien le juif de gauche, hué par les pro-Israéliens à l’occasion d’une manifestation en faveur des otages organisée par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). A la tribune, il a osé mettre sur le même plan les victimes de l’attaque du Hamas le 7 octobre et les Gazaouis écrasés par les bombes de Tsahal. Peut-être est-il les deux à la fois, une personnalité contrastée, parfois à contre-courant qui aime marier les contraires et affirmer ses convictions.

Ainsi, avec Jean-Luc Mélenchon, il a vécu une histoire d’amour et de ruptures. Il se rapproche il y a trente ans du membre fondateur au PS de la Gauche socialiste et devient son assistant parlementaire. Il prépare l’ENA comme son ami, de droite, Édouard Philippe qu’il a connu à Sciences Po. Aussi a-t-il coutume de le citer comme son mentor en politique, devant Julien Dray avec qui il a fait ses armes au sein de SOS Racisme.

La première rupture intervient fin 2008 quand la motion de Ségolène Royal remporte la majorité face à celle de Benoit Hamon. Dégoûté, Jean-Luc Mélenchon critique la campagne présidentielle perdue, dénonce le bilan de François Hollande comme Premier secrétaire et annonce qu’il quitte les socialistes pour constituer un nouveau parti capable de fédérer toutes les forces de gauche. Jérôme Guedj refuse de le suivre, creuse son sillon socialiste dans l’Essonne et gagne la présidence du conseil départemental.

La création de la Nupes par Jean-Luc Mélenchon pour les élections législatives de 2022 annonce les retrouvailles. Jérôme Guedj approuve l’alliance. Mais bientôt, la défiance s’installe. L’autoritarisme du leader de LFI dont l’élu de l’Essonne dit « il ne peut pas être devant et les autres derrière ». La rupture est consommée le 7 octobre lorsque Jean-Luc Mélenchon refuse de désigner le Hamas comme une organisation terroriste. Jérôme Guedj au contraire le condamne fermement.

Pour défendre Israël, le socialiste n’hésite pas à côtoyer sur les estrades les durs de la droite pro-israélienne dans des réunions en faveur de la libération des otages ni à défiler contre l’antisémitisme dans le même cortège que le Rassemblement national. Cela ne l’empêche pas de déplorer les victimes de la bande de Gaza. Toujours ce besoin de dépasser les contradictions apparentes.  S’il soutient Raphaël Glucksmann pour la campagne des élections européennes, cela ne l’empêche pas de mettre en garde contre la tentation d’une renaissance social-démocrate après les élections. Ses convictions d’abord…

Valérie Lecasble

Editorialiste politique