Guerre en Ukraine : Joe Biden attaque à l’aube

par Emmanuel Tugny |  publié le 25/04/2024

 Au lendemain de l’adoption du vaste plan militaire d’aide à l’Ukraine, c’est un président américain martial qui  a promis d’envoyer des armes à Kiev « dès cette semaine »

Illustration soldats, devant un drapeau américain et un drapeau russe- Photo Lorenzo Di Cola/NurPhoto

Celui qui prit en 2011 le contrepied de Bush Jr pour contester devant Poutine qu’il eût une âme a vu ses efforts récompensés.  Son administration a ferraillé plus de quatre mois pour contrer l’influence d’un Trump intriguant, au bénéfice de Moscou, pour bloquer l’aide américaine à Kiev.

Le bureau ovale est devenu le lieu d’un lobbying coordonné de toutes les éminences du pouvoir américain auprès des parlementaires républicains de bonne volonté. Présidents démocrates de commissions parlementaires, chef de la majorité au Sénat (Schumer), chef de la minorité à la Chambre des représentants (McConnell), patrons du FBI (Wray) et de la CIA (Burns), porte-parole du Département de la défense (Kirby), secrétaire d’État (Blinken), industriels, tous ont donné de la voix pour défendre et illustrer, loin de la joute électorale, l’octroi de l’aide à l’Ukraine.

Cette aide, que Biden a examinée de façon « experte » – défendant par exemple dès le mois de février l’envoi en Ukraine d’ATACMS (missile semi-balistique sol-sol tactique) -, a été présentée comme la condition de la bonne santé de l’industrie américaine d’armement et comme le moyen d’endiguer un impérialisme russe dont la portée excéderait largement Kiev en cas de victoire et appellerait l’emploi de troupes américaines en Europe. 

Des garanties d’austérité migratoire ont été données aux républicains dès le mois de janvier avec « l’accord frontalier », absurdement bloqué par Trump. Le soutien à Israël n’a pas été mégoté, dont l’agression iranienne du 13 avril a facilité à Biden la « vente » auprès de l’aile gauche démocrate. L’équivalent d’un milliard de dollars en équipement et en munitions a pris la route de l’Ukraine sous l’œil des caméras à peine le décret ratifiant l’aide signé, dans un ordre logistique fait pour impressionner un Kremlin sans doute ébranlé par la réapparition des États-Unis sur la scène ukrainienne. Au même moment, le secrétaire d’État Antony Blinken allait, entre autres sujets, s’entretenir du conflit à Pékin avec le président Xi Jinping…

Missiles sol-air, tanks, blindés démineurs, munitions de courte et de longue portée, à quoi s’ajouteront entre 600 et 1000 missiles ATACMS : l’arsenal d’ores et déjà en chemin atteste la fermeté recouvrée, la savante préparation et, aussi, l’inquiétude américaines.

Moscou attendait novembre avec appétit et comptait sur Trump pour retenir le bras des Etats-Unis jusqu’à l’élection. Las, il assiste au contraire à la démonstration de la continuité de l’engagement américain et de son positionnement à la proue du « monde libre », martelés hier par Biden.

Quant à l’artiste du deal, Un Donald Trump désormais terrorisé à l’idée de se voir rendu responsable d’une victoire de la Russie avant novembre, il a dû, en plein procès « mondain », concéder la manche à son rival. Il a bien sûr fait savoir par de multiples canaux que la victoire lui revenait, qu’il avait su remobiliser la molle Europe, qu’il négocierait après avoir sévi, s’adjugeant en somme sur tapis vert une victoire qu’il a tout fait pour empêcher depuis décembre, au prix d’innombrables vies ukrainiennes.

Emmanuel Tugny

Journaliste étranger et diplomatie