Juan Branco : profession avocat, tendance complotiste
Issu de la bourgeoisie parisienne, mais révolutionnaire autoproclamé, il multiplie actions et déclarations-chocs pour effrayer une classe politique qu’il exècre. Portrait
Son nom n’est pas cité, mais peu importe, il sait qu’il est visé. Dimanche dernier, dans l’émission Sept à huit, Gabriel Attal s’épanche sur le harcèlement scolaire dont il fut victime durant ses années de collège : au menu, insultes, homophobie et mépris. Son bourreau? Juan Branco. Il n’est pas nommément cité, mais celui-ci s’est reconnu sans peine. L’émission terminée, il répond directement sur X ( ex-Tweeter ) : « Aujourd’hui Gabriel Attal, 34 ans, ne s’en est visiblement pas remis. Cela l’amène à raconter n’importe quoi devant des millions de Français pour tenter de sauver sa psyché. »
Juan Branco est né sous une bonne étoile : parents et grands-parents aisés, école alsacienne, comme Gabriel Attal, Sciences Po, ENA, Sorbonne. Il fréquente les beaux quartiers et les personnes influentes, ne manque de rien, mène une vie facile. Comment un jeune, conscient de ses avantages familiaux et culturels, peut-il se retourner contre sa propre matrice ? En sociologie, on appelle cela une « névrose de classe » inversée. Si l’on joue avec la formule de Sartre, Juan Branco est « un produit loupé de la classe aisée » puisque toute sa vie est vouée à combattre les gens de sa propre classe et à « défendre » les petites gens.
Doublé d’un brin de parano. Toute sa vie, il s’est senti en marge et la cible des « complots de l’élite bourgeoise ». Quand, dès son arrivée à Sciences Po, l’ancien directeur, Richard Descoings, le repère et lui propose de l’aider à gérer sa page Facebook, il l’interprète comme une tentative de corruption de la part de cette « école de la domination ».
Assange, son premier coup médiatique
Il a sans doute rêvé d’être Jules Guesde ou Auguste Blanqui, s’est imaginé monter sur les barricades parisiennes pour éjecter le roi de son trône. Un temps proche de Dominique de Villepin, lorsque celui-ci voulait revenir en 2012 pour concurrencer Sarkozy, il rejoint finalement les Verts avant de réaliser un premier coup médiatique. Au début des années 2010, Julian Assange, auteur des révélations de « Wikileaks » menacé d’extradition et réfugié à l’ambassade d’Équateur de Londres, cherche un avocat. Ce sera Juan Branco qui voit en Assange son égal, ambitieux, radical et prêt à faire exploser le système.
Mégalomane et toujours très sûr de lui, Juan Branco va enchaîner les causes les plus inattendues. En 2018, il défend la Liga espagnole dans le conflit qui l’oppose au PSG concernant la gestion des gros contrats du club (Mbappé et Neymar). Il perd. Entre temps, devenu conseiller occulte de la République centrafricaine, il rédige un rapport sur l’Union européenne qu’il accuse de crimes contre l’humanité dans la gestion de sa politique migratoire.
Plus inquiétant, après les attentats du Bataclan, il écrit une lettre à Salah Abdeslam, dernier survivant du commando, pour lui proposer de devenir son avocat et lui dire… qu’il partage son ressenti « quant à la nécessité d’imposer une radicalité dans (sa) ligne de défense ». Pour ses confrères, il devient un « avocat en quête de gloire plutôt que de justice ».
L’été dernier, il soutient Ousmane Konko, principal opposant du président du Sénégal, se rend à Dakar, accuse l’État de corruption et de crimes et se fait jeter en prison. Fâcheux ? Non, pas pour Branco le mégalo. Finir dans les geôles d’un État… il en a toujours rêvé, c’est son bâton de maréchal, le brevet éternel de révolutionnaire. La France généreuse n’abandonne pas ses ressortissants. Il ressort libre deux jours après.
Des livres incendiaires
Inspiré, Juan Branco multiplie les livres incendiaires, dans l’esprit des théoriciens et révolutionnaires de la fin du XIXe siècle. D’abord « Crépuscule », un pamphlet contre Emmanuel Macron et ses hommes, dans lesquels il ne voit que des prédateurs voraces dépouillant le peuple. Vient ensuite « Treize pillards », qui dresse le portrait individuel des proches du pouvoir et raconte peu ou prou la même chose. Plus récent, un réquisitoire intitulé « Hanouna » consacré au présentateur. Peu importe si, pendant des mois, il est allé dans son émission pour parler, commenter l’actualité et plaisanter, le voilà qui se veut le premier à dénoncer le « système Hanouna ».
Juan Branco s’est trouvé un emploi, celui de rebelle, jusqu’au-boutiste, de jeune qui fait un pied de nez aux « élites ». Un brin révolutionnaire, un brin populiste, une touche de complotisme, parano par essence, mégalo par nature, avocat des causes sulfureuses, toujours scandaleux. En principe, cela plaît toujours.