Judas Ciotti
Une trahison soudain du RN qui oblige tous les républicains à une urgente stratégie de défense
C’est ce qui s’appelle trahir. En annonçant qu’il passerait un accord politique avec le RN, Éric Ciotti a renié les valeurs des fondateurs de son parti, Jacques Chirac au premier chef, comme de ceux dont il se réclamait, à commencer par le Général de Gaulle. Point n’est besoin de se fatiguer pour trouver des épithètes : il suffit d’écouter les mots qu’emploient les principaux leaders de la droite encore républicaine, de Larcher à Wauquiez, de Pécresse à Bertrand : menteur, collaborateur, traître, supplétif de Bardella, ou encore « on le vire », « qu’il s’en aille », « c’est sans moi » « en juin 1940, il n’aurait pas traversé la Manche », on n’a que l’embarras du choix. Plus d’une quarantaine de députés LR et la totalité des sénateurs ont condamné la défection de Ciotti, même ceux dont le discours était fort droitier.
L’ennui, bien sûr, c’est que les militants ne sont pas forcément de cet avis. Outre le médiocre souci de sauver des sièges, c’est l’argument massue employé par Ciotti pour justifier sa vilénie : les adhérents veulent l’accord avec l’extrême-droite. En disant « les adhérents », il s’avance, bien sûr. Mais il faut craindre qu’il reçoive le soutien d’une grande partie d’entre eux, avant tout sensibles aux questions d’immigration et de sécurité, progressivement imprégnés des thèses xénophobes, ou nationalistes, diffusées jour et nuit, jour après jour, par les médias conservateurs gagnés depuis des années au lepénisme et au zemmourisme, de CNews au Figaro, d’Europe 1 à Valeurs actuelles, du Fig-Mag au Journal du Dimanche.
Sans compter l’incessant travail de sape mené par les intellectuels et les publicistes qui y collaborent, de Finkielkraut à Renaud Camus, de Houellebecq à Onfray, qui ne récusent le « politiquement correct » que pour camoufler leurs idées politiquement louches.
Ce qui modifie encore la donne de ces élections législatives convoquées par Emmanuel Macron avec une incroyable légèreté. Disposant d’une réserve sur sa droite (façon de parler…) avec les électeurs de Reconquête, le RN a trouvé une escouade de supplétifs sur sa gauche (façon de parler…) avec la trahison en rase campagne du président de LR. Si bien que la vraisemblance de sa victoire le 30 juin s’accroît d’heure en heure. Ce désastre probable, annoncé par ces soubresauts partisans, tel un tremblement de terre précédé par des secousses préalables et des fumerolles, interroge maintenant tous les républicains.
Les choses étant ce qu’elles sont, seule une conjonction des défenseurs de la démocratie française, au moins par des accords de second tour, peut encore empêcher la catastrophe. Ceux qui prendront prétexte de leur concurrence pour se dérober seront comme des gens qui se disputent les cabines pendant que le bateau coule.