Julian Assange : héros ou traître ?

par Pierre Feydel |  publié le 28/06/2024

Le fondateur de Wikileaks s’est-il sacrifié pour le droit à l’information ou n’est-il qu’un délateur irresponsable animé par un féroce anti-américanisme

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, de retoru chez lui en Australie, le 26 juin - Photo par WILLIAM WEST / AFP

Il est libre. Les autorités américaines lui promettaient pourtant 175 ans de prison pour avoir rendu publics à partir de 2009 plus de 700 000 documents confidentiels sur les activités militaires et diplomatiques des États-Unis. Il a fallu un de ces tours de passe-passe judiciaires dont la justice d’outre-Atlantique a le secret : un plaider-coupable contre une condamnation à 62 mois de détention déjà effectués, pour que Julian Assange, 52 ans, fondateur de Wikileaks puisse regagner son Australie natale et retrouver sa famille. Mais qui est-il, cet homme fatigué au visage blafard , légèrement bouffi, que sa famille disait malade psychologiquement et physiquement après plus de 12 ans de réclusion forcée ?

Est-il un héros de la liberté d’expression qui a osé défier la première puissance mondiale, dénoncer les turpitudes de sa diplomatie, les bavures de ses forces armées, voire les crimes de ses services de renseignement ? Ou bien a-t-il été animé par des sentiments moins nobles, ceux d’un maniaque libertarien de la délation anti-occidentale ou d’un mégalomane gauchisant obsédé par la dénonciation des secrets d’État ? Lorsqu’il émerge en 2006 du monde des hackers, fonde le site Wikileaks, basé en Islande , enregistré en Suède, fonctionnant grâce à un réseau de bénévoles, il se voit déjà comme un chevalier blanc de la transparence. Il atteint la notoriété mondiale lorsqu’il diffuse en 2007 une vidéo où un hélicoptère américain Apache exécute onze civils irakiens et deux employés de l’agence britannique Reuters.

Puis, il obtient d’un soldat américain en Irak un demi-million de documents confidentiels de l’armée américaine et des agences de renseignement des États-Unis. Il ne s’embarrasse pas de savoir si la divulgation de données révèle les identités de sources des services américains ou d’opposants à des dictatures. C’est à ce moment que deux femmes l’accusent de viol. Il nie, fuit en Grande-Bretagne. Il finit par demander l’asile politique à l’ambassade d’Équateur à Londres. Julian Assange y restera 7 ans reclus.  Il y soigne son look de prophète maudit, barbe et cheveux longs et continue son combat. Car l’imprécateur numérique ne cède jamais. Wikileaks révèle les courriels privés d’Hillary Clinton , des documents confidentiels de la CIA. C’est une guerre personnelle contre les États-Unis.

En 2011, il entame une liaison avec son avocate qui met au monde deux petits garçons et qu’il épousera en 2022. En 2019, L’Équateur le chasse de leur ambassade. Les Britanniques l’internent, dans la prison de haute sécurité de Belmarsh près de Londres. Les États-Unis le réclament. Ses avocats évoquent son état de santé. Ils font appel de son extradition réclamée par Washington. Il a gain de cause. Les autorités australiennes ont pesé de tout leur poids pour mettre fin à cette affaire qui n’en finit plus. Les États-Unis, lassés, cèdent. A-t-il gagné ? Certes, il est libre, mais pas tout à fait innocent. Éternel débat entre l’intérêt des États et des principes universels tels que la liberté d’expression et le droit à l’information. On peut préférer les seconds.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire