Justine ou les erreurs de la vertu

par Jérôme Clément |  publié le 04/06/2023

Le vacarme de la polémique, déclenchée par les propos de Justine Triet, masque l’essentiel : le grand retour du cinéma

Jérôme Clément

Qu’il y ait des controverses sur la nature du financement, l’écheveau des aides, subventions ou réglementations diverses ayant permis au cinéma en France de rester ce qu’il est, ce n’est ni la première, ni la dernière fois. Que Canal + revendique un rôle important dans la production de films en France, nul ne le conteste.

Mais Cannes a démontré d’une façon très visible que les films de cinéma, montrés en salle, avaient toujours la faveur du public. D’abord par la qualité des films, les plus variés, venant de tous pays, ensuite par le renouvellement des réalisateurs-réalisatrices et l’affirmation de talents confirmés, enfin, par les annonces faites des résultats et des intentions à venir.

En France, la fréquentation, sans atteindre encore son niveau de 2019, se rapproche progressivement des deux cents millions d’entrées. L’Angleterre et l’Allemagne connaissent la même tendance. Certes, l´Europe n’est pas encore entièrement revenue à son niveau antérieur. Mais ceux qui prédisaient la fin de l’exploitation en salle au profit du visionnage de séries chez soi… se sont trompés.

La preuve la plus spectaculaire et le retournement des plates-formes. Le film de Martin Scorsese produit par Apple, avec Robert De Niro et Leonardo DiCaprio en est la preuve éclatante. Son président est venu à Cannes présenter le film et annoncer un investissement de 1 milliard de dollars pour le cinéma. C’est la même position que l’on retrouve chez Amazon, ou chez Disney, sans compter les acteurs plus anciens, comme HBO.

Seul Netflix, qui a fait son succès avec la diffusion de séries, se tient un peu à l’écart, pour l’instant. Encore cette plate-forme envisage-t-elle d’acheter un circuit de salles de cinéma…

D’ailleurs, la concurrence est tellement vive entre les diffuseurs de séries que le cinéma joue un rôle d’affichage et de notoriété précieux, voire irremplaçable, pour ces géants de l’audiovisuel en quête de rentabilité et de reconnaissance.Finalement – et c’est plutôt rassurant- c’est le public, les spectateurs en salles, qui sanctionnent d’abord l’intérêt, la qualité et le succès d’une œuvre.

On l’a tellement dit : rien ne remplace vraiment l’émotion collective et le plaisir de partager ses sentiments dans un même lieu dédié au spectacle. À ceux qui prédisaient, pandémie et séries aidant, la fin du cinéma, le retournement actuel apporte un nouveau et spectaculaire démenti.

Évidemment, ceci n’empêche pas qu’il faille être plus qu’attentifs à la diversité des films proposés et à ce que les films d’auteur – ou présumés tels- bénéficient de ce retour dans les salles et ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la fréquentation massive. C’est sans doute, derrière les propos polémiques actuels, la vraie crainte de ceux qui s’expriment -souvent à juste titre. Les deux préoccupations doivent aller de pair et être traitées ensemble.

Encore faut-il que les salles et le cinéma existent toujours-c’est le cas – et c’est la bonne nouvelle de ce printemps !

Jérôme Clément

Editorialiste culture