Kafka : drôle, athlétique et amoureux…
Sorti en salle ce mercredi 20 novembre, « Kafka, le dernier été », réalisé par Georg Maas et Judith Kaufmann revient sur le dernier amour de l’écrivain.
Sur les bords de la mer Baltique, on ne trouve pas seulement de l’ambre ; mais aussi, parfois, l’amour. Été 1923. Franz Kafka rencontre Dora Diamant – quel nom ! – sur la plage. Elle a 25 ans, elle est animatrice pour enfants dans une colo juive, dynamique, chaleureuse, courageuse. Et bientôt amoureuse.
Lui, dont les histoires avec les femmes ont tourné au fiasco – soit de sa faute, soit à cause de la pression paternelle -, est tout entier séduit par ce qui sera – il s’en doute bien -, son dernier amour. Sa santé décline, renforçant sa mélancolie, mais l’arrivée de Dora dans sa vie lui procure d’intenses moments de bonheur. Les derniers, et peut-être les plus beaux.
À ce moment précis, Kafka a 40 ans. Il lui reste moins d’une année à vivre. La maladie pulmonaire qui lui sera fatale progresse inexorablement. Depuis quatre ans, il crache du sang. Il n’a pas publié ses textes essentiels, à l’exception notable de La Métamorphose et de La Colonie pénitentiaire. Il a quitté son emploi dans une société d’assurance, pour cause de maladie. Il n’a pas d’argent devant lui et pèse sur ses épaules le poids d’un paternel auquel il a écrit sa violente Lettre au père qu’il n’osera jamais lui envoyer. Elle ne sera rendue publique que des années après sa mort par son ami et exécuteur testamentaire Max Brod. Mais Franz demande à Dora de la lire, ce qu’elle fait à haute voix dans le film dont c’est l’un des moments forts.
On le sait, Kafka avait demandé à Max Brod de brûler tous ses textes après sa mort. Consigne que, par bonheur, son ami ne respectera pas. C’est ainsi que le monde découvrira, entre 1925 et 1927, Le Procès, Le Château et L’Amérique.
Quand ils se rencontrent, Dora n’a rien lu de Franz. « C’est une petite ironie que Dora ne connaissait pas les écrits de Kafka au début et n’y portait pas beaucoup d’intérêt, fait remarquer le réalisateur Goerg Maas. Elle était intéressée par l’homme, fascinée par sa sincérité, son exactitude et son appétit de vivre. Plus tard, Dora fut perplexe face à l’image de Kafka qui émergea après sa mort. Kafka est souvent perçu comme une personne tourmentée par des peurs, timide et déprimée. Mais il avait une autre facette : ouvert, plein d’humour et tourné vers les autres. Il était séduisant et athlétique, et c’est ainsi que Dora l’a connu. Cette « correction » ou complétion de l’image de Kafka est l’un des objectifs du film. »
Pour la première fois, Kafka se sent bien en compagnie d’une femme. Malgré la faim, malgré le froid – l’argent se fait rare -, malgré la maladie qui contraint Dora à devenir l’infirmière d’un Franz de plus en plus affaibli.
Tiré du best-seller de Michael Kumpfmüller, Les splendeurs de la vie, le film de Georg Maas et Judith Kaufmann baigne dans une atmosphère de clair-obscur. Les moments de joie et de tendresse de ce fragile bonheur forment un subtil équilibre avec la menace mortelle qui pèse sur cette idylle. La tendre connivence entre les acteurs, Sabin Tambrea (Franz) et Henriette Confurius (Dora), tous les deux très convaincants, créée une émotion qui monte tout au long du film. Manuel Rubey (Max Brod) ajoute au tableau une touche de chaleur qui n’a rien de très kafkaienne. On ne remerciera jamais l’ami fidèle des bons comme des mauvais jours de ne pas avoir détruit les manuscrits décisifs de Kafka. Qu’aurait-il laissé comme trace dans la littérature mondiale sans cette décision ?
Kafka, le dernier été
un film de Georg Maas et Judith Kaufmann
avec Sabin Tambrea (Franz Kafka), Henriette Confurius (Dora Diamant), Manuel Rubey (Max Brod)